La question de la bisexualité du souverain conquérant fait encore débat, 2 300 ans après sa mort, comme le montre la diffusion d'un récent documentaire sur Netflix. Mais qu'en disent les historiens ?
Alexandre est le plus grand conquérant de l’Antiquité, le vainqueur de l’empire perse et un souverain qui a régné sur un territoire s’étendant de la Grèce à l’Asie. Pourtant, la question de sa sexualité fait encore débat, plus de 2 300 ans après sa mort, comme dans ce récent documentaire.
Pour l'historien Pierre-Luc Brisson, on ne sait presque rien de sa vie intime, "hormis ses mariages. Le mariage qu’il a contracté avec Roxane par exemple, qui était une princesse asiatique."
Le problème, justement, c'est que les historiens de l’Antiquité qui ont écrit sur Alexandre, comme Plutarque ou Arrien, ont vécu plusieurs siècles après le souverain. Ce qu’on sait en revanche, c’est qu’Alexandre était très proche d’un général macédonien qu’il aurait pris pour favori : Héphaestion.
Un proche du souverain
Héphaestion était pour Alexandre, un “philos”, ce qui pourrait se traduire comme “un ami, un compagnon, mais au sens de garde rapprochée.”
L’interprétation historique selon laquelle Alexandre et Héphaestion auraient été amants vient en fait d’un événement. Lors de la conquête de l’Asie par les troupes d’Alexandre, Héphaestion est pris de fièvre et meurt à 32 ans.
Lorsqu’Alexandre apprend sa mort, il est inconsolable et réagit de manière excessive : il décrète un deuil public dans tout l’empire, organise des cérémonies fastueuses, des jeux et des sacrifices. Il ordonne un culte d’Héphaestion, qui est quasiment célébré comme une divinité.
"C’est vraiment la réaction outrancière à la mort d’Héphaestion qui a mené à une conjecture d’une relation homosexuelle, qui est fort possible", d'après Pierre-Luc Brisson.
En fait, les historiens de l’Antiquité ont beaucoup comparé la relation entre Alexandre et Héphaestion à un autre couple célèbre : Achille et Patrocle, dans L'Iliade d’Homère. Achille, le héros grec qui a combattu durant la guerre de Troie et son amant Patrocle. Comme Alexandre, Achille est inconsolable lorsqu’il apprend la mort de Patrocle, tué au combat. Le guerrier grec sombre alors dans une colère noire et dans une folie meurtrière.
On sait aussi qu’Alexandre s’identifiait à Achille. Lorsqu’Alexandre met le pied en Asie, son premier geste est d'aller rendre hommage à la tombe du héros grec, en compagnie d’Héphaestion.
L'orientation sexuelle, une question anachronique
Donc pour résumer, il est probable qu’Alexandre et Héphaestion aient été amants, même si ça n’est écrit nulle part explicitement. Dans le monde antique, les catégories de préférence sexuelle modernes n’existent pas. Il n’est pas rare que des hommes aient des relations intimes entre eux, ça n’est ni immoral, ni exceptionnel.
Pierre-Luc Brisson explique aussi que cette question n'intéressait pas vraiment les contemporains du souverain car "on n’avait pas besoin de le mentionner parce que l’allusion avec Achille/Patrocle était si évidente. Comme ça ne rentrait pas dans leur catégorie d’analyse mentale, il est normal aussi que les sources puissent être silencieuses sur cette question-là puisque l’allusion ou la comparaison semblaient si évidentes."
Dans sa version hollywoodienne de l’épopée d’Alexandre sortie en 2004, Oliver Stone n’hésitait pas à montrer à l’écran la bisexualité d’Alexandre. La même année, "Troy" de Wolfgang Petersen était un peu plus timide et présentait Patrocle et Achille comme des cousins.
Références