Allemagne, "Extrême droite" : épisode • 14 du podcast Les termes du débat européen

Des membres du parti brandissent leur bulletin de vote lors de la conférence du parti de l'AfD Brandebourg dans la Wiesenhalle. ©AFP - Monika Skolimowska
Des membres du parti brandissent leur bulletin de vote lors de la conférence du parti de l'AfD Brandebourg dans la Wiesenhalle. ©AFP - Monika Skolimowska
Des membres du parti brandissent leur bulletin de vote lors de la conférence du parti de l'AfD Brandebourg dans la Wiesenhalle. ©AFP - Monika Skolimowska
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A l'approche des élections européennes et locales, l'Afd, deuxième force politique du pays, recense entre 18 et 20% des intentions de vote. Comment expliquer l'émergence de ce parti ? Pourquoi l'Allemagne n'est-elle pas immunisée par son passé ?

Avec
  • Klaus-Peter Sick Historien, chercheur associé au Centre Marc Bloch
  • Cécile Leconte Politiste, professeure des universités à Science-Po Lille

En juin prochain, outre les élections européennes, les Allemands iront voter dans six Länder pour leurs maires et conseillers d’arrondissement. Une occasion supplémentaire pour le second parti du pays, l’Alternative pour l’Allemagne, l’Afd, de gagner des voix hors des régions de l’Est où il a montré son pouvoir depuis sa création.

Pourtant, depuis la révélation d’une réunion secrète du parti autour de la question de la «remigration », des manifestations régulières rassemblent celles et ceux qui veulent freiner cette progression électorale. Et les révélations récentes des autorités tchèques sur les sommes que le second de liste de l’Afd aux élections européennes aurait touché de la part d’un média pro-russe ont abîmé l’image de l’Afd, tandis que son potentiel électoral peut être entamé par le nouveau parti de Sarah Wagenknecht, venu de l’extrême gauche mais lui aussi anti-immigration.

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Cultures Monde
59 min

Dans quoi s’inscrit l’extrême droite allemande ?

Klaus-Peter Sick revient sur les partis d’extrême droite qui ont émergé avant l’AfD : « Il y a eu divers partis d'extrême droite depuis la fondation de la RFA, qui ont été représentés dans les différents parlements des Landër régionaux, ou dans les États fédéraux de l'Allemagne, et ce tout particulièrement dans les années 60 et 70. Le NPD, a par exemple été présent dans sept parlements des Landër. Ensuite, il y a eu un parti qu'on appelle les Républicains, qui a été important surtout en Bavière dans les années 80 et qui a aidé à faire pénétrer l'extrême droite dans la représentation parlementaire. Donc, bien avant l’AfD, l'Allemagne a une expérience avec des partis d'extrême droite ».

Cécile Leconte : « A la création de l'AfD, il y a différents milieux politiques qui convergent. Il y a d'anciens notables de la CDU qui sont déçus du recentrage de ce parti, il y a des gens qui sont motivés principalement par l'hostilité envers l'Union Européenne et en particulier l’euro. Et il y a des gens qui ont fait carrière avant dans le NPD, un parti qualifié par l'Office de protection de la Constitution. On observe donc qu’il y a divers milieux qui se retrouvent dans ce parti même si au départ, c'est plutôt un parti de notables. Dans son idéologie, c’est un parti qui est plutôt proche de Reconquête, si on fait un parallèle avec les partis politiques français. L’AfD combine une position anti-immigration très claire, une hostilité à la société multiculturelle, à l’islam et un conservatisme très net sur les questions de société. En matière de géopolitique le parti se définit par une orientation pro-Kremlin très nette, même si il y a eu des débats dans le parti ».

La relecture du passé de l’Allemagne

Cécile Leconte : « L’AfD est un parti qui met en cause la culture mémorielle de la République fédérale d'Allemagne, qui effectivement s'est construite dans le rejet du passé nazi. Lors de la dénonciation des crimes du nazisme, au sein des milieux d’extrême droite on parlait à l'époque d'occidentalisation forcée des Allemands, donc ce discours anti-occidental est un vieux thème à l'extrême droite. Plusieurs têtes de l'AfD, par exemple, ont qualifié la période nazie, je cite, « de chiure d'oiseau dans l'histoire allemande, d’une histoire allemande globalement glorieuse ». Donc le passé est utilisé et ce, même pour critiquer la politique contemporaine par exemple des députés de l'AfD comparent, dans une stratégie d'inversion propre à l'extrême droite, Angela Merkel à Hitler, en disant que la République fédérale d'Allemagne, c'est une dictature, et qu’on ne peut pas dire ce qu'on pense ».

Klaus-Peter Sick poursuit : « L’ AfD est en effet un parti qui veut en finir avec le culte de la culpabilité allemande , à savoir ce centrage de la mémoire, du discours mémoriel allemand sur les douze années fatidiques. Et on observe que ce discours-là de la relativisation, ou du centrage considéré comme excessif de l'Allemagne sur l'apprentissage du Troisième Reich, est assez populaire en Allemagne ».

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