Au menu d'En français dans le texte, analyse d'un extrait des "Fausses Confidences" de Marivaux et pour la dictée de Rachid Santaki, un extrait de "Voyage en Orient" d’Alphonse de Lamartine avec la participation de Caroline Broué et Chloé Cambreling.
En français dans le texte vous propose d’écouter des grands classiques de la littérature française, mais aussi des textes d’histoire ou de philosophie, lus dans la voix de grands comédiens. Des œuvres au programme du baccalauréat, des classes de première ou de terminale, analysées avec le précieux concours des professeurs de l’Éducation nationale.
Aujourd’hui, nous vous proposons la lecture et l'analyse de l'acte III, scènes 9 à 13 des Fausses Confidences de Pierre de Marivaux.
L'enjeu de la comédie
Les comédies se terminent souvent par une union. Le théâtre de Marivaux n’échappe pas à la règle, mais pour le dramaturge, plus que le mariage, c’est l’amour qui compte, et même l’aveu d’amour. C’est par lui que tout est dit. Et la pièce n’a alors plus rien à dire ! Les jeux de l’amour et du hasard s’achèvent en même temps que la comédie.
Le critique Jean Rousset qualifie de « marche vers l’aveu » cette structure caractéristique des comédies de Marivaux. Marche qui prend parfois les allures d’une marche « forcée ». Ainsi, dans Le Jeu de l’amour et du hasard, Silvia, toujours grimée en soubrette, utilise la ruse pour obtenir de Dorante plus qu’un « simple » aveu… une demande en mariage.
Mais amour et stratagèmes ne sont pas incompatibles. Pas plus dans Les Fausses Confidences !
À la fin de l’acte II, C’est Araminte qui tend, un « piège » à Dorante pour l’acculer à l’aveu : il faut, dit-elle dans un aparté, « le pousser à bout ». Si ce moment peut apparaître comme le sommet de la pièce, ce n’est pourtant pas l’enjeu de l’intrigue. Car le spectateur sait, lui, que Dorante est amoureux d’Araminte. La magie doit opérer ailleurs : dans la naissance d’Araminte à l’amour ; dans cette épreuve libératrice qui mène de l’égarement sur soi à la vérité révélée malgré soi ; dans la métamorphose des fausses confidences en véritable aveu.
Les dernières scènes des Fausses Confidences, à l’étude aujourd’hui (acte III, scènes 9 à 13), ont à charge de mettre en scène cette « surprise de l’amour » qui est l’une des signatures de Marivaux.
La marche vers l’aveu
La pièce est, selon Michel Gilot, spécialiste de Marivaux, à la fois une « surprise de l’amour » (pour Araminte), un « jeu de séduction » (essentiellement conduit par Dubois) et un « jeu de vérité » (pour Dorante, notamment). Car l’aveu d’Araminte n’est possible qu’à la condition d’un autre aveu : celui, par Dorante, du stratagème, paradoxalement, à l’origine des sentiments d’Araminte. La transparence doit être absolue. Car l’amour véritable est un antidote. Il apparaît aussi, in fine, comme l’envers et la « fin » de la comédie.
La raison d’être de la comédie, faire naître l’amour, suppose d’en retarder aussi longtemps que possible l’avènement : le plaisir du théâtre est à ce prix ! Les dernières scènes doivent résoudre cette tension entre la « marche forcée » vers l’aveu d’amour et son incessant ajournement.
L’aventure amoureuse d’Araminte et de Dorante est un chemin de vérité et de sincérité. La pièce démontre ainsi comment tout le mécanisme de la « fausse confidence », mis en place sous la forme d’une machiavélique conspiration par Dubois, visait à empêcher Araminte de tricher avec ses sentiments.
Toute l’ambiguïté de Dubois se laisse alors percevoir dans ce trouble pouvoir, qui est aussi celui du théâtre. En le chassant, un peu plus tôt, Araminte avait bien compris qu’elle avait affaire à un démiurge ; mais elle ne pouvait percevoir à quel point sa jubilation, son plaisir d’esthète, dans la manipulation de ses créatures, sont partagés par le poète comique lui-même. Car Dubois est celui qui prend en charge, sur scène, la conduite du « marivaudage ».
La question de la moralité du personnage qui, pour dernier mot et quasi conclusion de la pièce, s’adresse une auto-célébration hyperbolique pleine de drôlerie (« Ouf ! ma gloire m’accable ! »), semble ainsi indissociable de celle de la moralité du plaisir théâtral lui-même : il a fallu en passer par l’illusion, le mensonge, la tromperie, la fausse confidence… Oui, il a fallu consentir, pour notre plus grand plaisir, à l’immoralité du théâtre !
Le dénouement
L’aveu d’Araminte apparaît comme le parachèvement, la consécration et la fin de toute théâtralité. Ç’en est aussi la leçon : qu’elles que soient ses causes et la facticité des épreuves qui l’ont fait naître, le sentiment amoureux ne triche pas ; il ne « joue » pas (la comédie) ; et c’est cette sincérité du cœur qui, paradoxalement, met fin à la comédie, royaume du factice et du faux mais au service de cette vérité qui relève, elle, de la vie.
Texte des scènes analysées
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Analyse réalisée par Cyril Chervet, professeur au lycée Molière à Paris.
>>> Lien vers la page Eduscol, site du Ministère de l'Education, des Sports et de la Recherche. Vous pourrez y trouver les analyses littéraire et grammaticale.
Extrait entendu à l'antenne
Retransmission des Fausses Confidences de Pierre de Marivaux (ici, acte III, scènes 9 à 13), jouée et enregistrée en 1970 à la Comédie-Française dans une mise scène de Jean Piat. Diffusion sur France Culture le 1er février 1970.
Avec la troupe de la Comédie-Française : Micheline Boudet (Araminte), Jean Piat (Dubois), Simon Eine (Dorante), Paule Noëlle (Marton), Denise Gence (Mme Argante), Bernard Dhéran (Le Comte), et Marcel Tristani (Arlequin).
Références musicales
Extrait de l’album Cut up sorti en mai 2021 chez France Paradox du Julien Daïan Quintet où le saxophoniste avec ses acolytes rencontre Serge Gainsbourg pour ce titre sous forme de remix : "Trop c'est trop".
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