Ce matin, Anne-Cécile Mailfert aborde la question de la douleur des règles et une maladie sous diagnostiquée, l'endométriose...
Voyez-vous, c’est un peu comme si vous vous étiez réveillé cette nuit, à 2 h du matin, une douleur sourde dans le bas ventre, un liquide gluant, rouge et chaud entre vos cuisses. Vos troubles digestifs, vos seins douloureux, votre déprime passagère d’hier, tout s’explique : vous avez vos règles. Elles ont débarqué, et vous voilà réveillée, tachée, en sueur.
Votre ventre crampe, comme après un séance de sport intensif. Votre tête cogne comme après une bonne grosse cuite. Jusque-là c’est des règles presque normales, vous prendrez un doliprane. Mais on va corser les choses : car Ali, comme 2,4 millions de femmes en France, vous etes atteinte d’endométriose.
L’endométriose ?
L’endométriose est une maladie sous diagnostiquée, caractérisée par la présence, en dehors de l’utérus, de fragments de muqueuse utérine. Ils peuvent migrer partout ! Et chaque mois, ils se mettent en marche comme s’ils étaient toujours dans l’utérus, et irradient de douleur dans la poitrine, dans le dos..
Vous ressentez tous les mois et cette nuit en particulier, des pics de douleur extrêmement intenses, comme si quelqu’un avec des ongles en ferraille allait vicieusement racler l’intérieur de vos entrailles. Mais on va faire simple pour que les hommes captent : c’est comme si on vous tapait dans les testicules toutes les 5 minutes. Certaines femmes peuvent s’évanouir. Vous, vous allez vomir. Il est maintenant 3h du matin, il va vous falloir bien plus qu’un doliprane.
Votre nuit est fichue car vous vous lèverez dans quelques heures pour vous occuper des enfants, les déposer à l’école, et aller au travail, toujours pliée en deux. Ce travail pouvant être, institutrice, coiffeuse, ou infirmière, un métier que vous pratiquez debout, qui demande de l’attention et qui ne peut être fait en télétravail.
Concrètement, comment font ces femmes ?
Elles pourraient demander un arrêt maladie, mais entre les délais pour avoir un rendez-vous chez un généraliste et les trois jours de carence, à quoi bon : à peine ont-elles commencé les démarches que les symptômes ont arrêté. Et ça reprend tous les mois. Alors souvent elles cachent la réalité de ce qu’elles vivent, posent un jour, ou sans solde et y perdent 10% de leurs revenus.
Le principe d’un arrêt menstruel défendu par la sénatrice Laurence Rossignol au sénat hier visait à résoudre cette situation. La proposition de loi aurait permis aux 16% de femmes diagnostiquées dysménorrhées, c’est-à-dire souffrant de règles douloureuses et incapacitantes, d’avoir un arrêt de travail d’un à deux jours par mois selon le niveau de douleur, valable un an pour ne pas retourner tous les mois chez le médecin. Pour ces motifs, il n’y aurait pas eu de jour de carence. Une avancée pour ces femmes qui n’aura pas lieu.
Mais les élus de droite l’ont rejeté. Ils y voient sûrement une difficulté pour les employeurs qu’ils préfèrent protéger. Auraient ils réagit comme cela si les hommes étaient concernés? Comme pour l’IVG dans la constitution, comment ne pas y voir une trace de cette domination qui, en faisant passer le masculin pour la norme, en vient à considérer que ce que vivent les femmes sont des exceptions qui ne méritent pas la considération de nos institutions. Et pourtant les femmes existent. Il faudra bien qu’ils finissent par s’y habituer.
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