Asinine, l’outsider destinée à renverser le rap francophone

On vous en avait déjà touché quelques mots lors d’un focus sur les rappeuses qui feront l’année 2023. Plus d’un an plus tard, le constat est clair : avec son écriture aussi profonde qu’envolée, ses métaphores percutantes et ses mélodies faites d’une impressionnante justesse, Asinine est, en 2024, ce qui pouvait certainement arriver de mieux au rap francophone. Focus sur une la musique aussi brute que nécessaire d’une reine en devenir.

L’écriture comme figure de proue

Tout commence en 2022. Avec la sortie de son premier maxi 3 titres  C’est les autres, la Marseillaise fait ses premiers pas dans la scène rap francophone, accompagnée de ses influences digitales prégnantes, qui transpirent au travers de ses mélodies vocales, des productions signées Briacsevere ou encore de son imagerie, à travers son clip éponyme, remarqué par une audience de plus en plus grandissante.

Dès ses débuts, la rappeuse attire l’attention : armée d’une solide écriture et de métaphores marquantes, le fond de sa musique raconte déjà la manière dont elle tente tant bien que mal de gérer son stress, ses émotions et ses pensées aussi maussades qu’envahissantes.

Sa carrière va faire un bon à l’été 2022**, lorsqu’elle dévoilera un single ironiquement intitulé Tout va bien. En reprenant le refrain du grand Léo Ferré sur une production aux basses détonantes (toujours signée Briacsevere, devenu entre temps son compositeur exclusif), Asinine propose un single de haut vol, aussi entêtant qu’incisif.

C’est à ce moment là que tout va s’accélérer pour la sudiste : à la fois découverte par plusieurs milliers d’auditeurs et auditrices de rap francophone, c’est cette même année qu’elle est invitée sur le projet du compositeur à succès Kosei pour son retour en solo avec  Spooky Season 2. Et encore une fois, la qualité du morceau, de l’écriture et de l’interprétation, sont au rendez-vous, et la scène rap francophone assiste à la discrète naissance d’une étoile en devenir.

Désormais accoutumée des formats 3 titres, Asinine continue d’attirer l’attention en 2023 avec la sortie de deux maxis : l’un s’appelle XIII, il comporte trois titres qui explorent aussi bien les sonorités trap accidentées que des profondes percussions aux influences techno. L’autre comporte 2 singles seulement,  Demi Moore et  Vivement quoi.

Avec une qualité toujours plus appuyée et une exigence qui suinte à travers ses propositions, Asinine se fait attendre pour sortir des musiques, certes, mais ne manque jamais de faire mouche. Alors, un peu moins d’un an après la sortie de son double single, la rappeuse a encore une fois pris du temps pour revenir plus en forme que jamais. Mais cette fois-ci, il y aura un peu plus à manger que d’habitude.

Qualité mantra

Avec  Brûler la maison, Asinine confirme, en 6 titres seulement, tous les espoirs qui étaient portés en elle. Depuis des instrumentales survoltées flirtant avec la Dance, les rythmiques Jersey ou les basses rebondissantes empruntées à la Détroit, la chanteuse dépeint, avec une sensibilité d’écriture rare, le décor de son enfance.

Au centre de ses propos, cette maison hantée par les déflagrations verbales, les actes manqués et les remords. Alors, comme si elle était autant l’actrice de son récit que son observatrice, Asinine dessine tout au long de ce projet, l’environnement dans lequel elle baigne et a baigné, avec une exactitude aussi rare que saisissante.

Souvent défini par les médias et comptes Twitter spécialisés comme le projet de son retour, l'album Brûler la maison est l’un de ces objets à la qualité précieuse dont le rap a et aura toujours besoin : de la cover signée Charlotte Arnault aux productions composées par Briacsevere et Horaze jusqu’aux envolées de l’autrice-interprète et aux visuels de grande qualité (comme celui de Deux ailes de Cires réalisé par Jules Harbulot), le projet reflète à nouveau une certaine exigence et une rigueur de travail qu’Asinine a placé au centre de son œuvre, comme si la qualité était peut-être son principal mantra.

Alors, si ces 6 titres d'envergure sont importants pour le rap français en tant qu’objets musicaux, ils rappellent aussi que l’application est souvent nécessaire à la livraison d’un projet qualitatif. Alors, si prendre le temps de sortir des morceaux a parfois été reproché à l’artiste sur les réseaux sociaux, Brûler la maison apparaît aussi comme un exemple concret que l’attente est parfois le prix à payer pour finalement pouvoir écouter de la musique du meilleur cru.

De quoi prouver une fois de plus sa place d’outsider dans une industrie au rythme de production intense, dans laquelle Asinine réussit à chaque nouvelle sortie à y trouer une grande brèche. Alors, pour cette image comme pour toutes ses sorties musicales, on vous le répète une fois de plus : Asinine est clairement la rappeuse que le rap français attendait. Et la savoir en train de gravir les marches nous fait beaucoup, beaucoup de bien.

Tim Levaché