Ayn Rand, la romancière préférée de Donald Trump et des libertariens
Par Yann LagardeAyn Rand est l’une des figures intellectuelles du courant libertarien, elle a prôné toute sa vie la liberté absolue de l’individu contre l’État.
Qui est cette écrivaine russe que Donald Trump adore ? Autrice très influente, elle a aussi été adulée par Ronald Reagan, Hillary Clinton, le lanceur d’alerte Edward Snowden ou Jimmy Wales, le fondateur de Wikipédia.
L’originalité d’Ayn Rand, c’est qu’elle ne développe pas ses idées dans des essais de philosophie, mais dans des romans de fiction. L’un de ses romans, La Grève, a même été considéré comme le livre le plus influent aux États-Unis après La Bible.
Ayn Rand est née Alissa Zinovievna Rosenbaum en Russie, en 1905. C’est une grande passionnée de littérature française romantique, Alexandre Dumas et surtout Victor Hugo. Après la prise de pouvoir des soviets, la pharmacie de son père est confisquée et sa famille fuit en Crimée.
Anticommuniste et américanophile
Elle suit des études d’histoire et de philosophie, de cinéma et découvre les westerns américains. Finalement, Ayn Rand émigre aux États-Unis en 1926. Elle travaille à Hollywood pour le réalisateur Cecil B. DeMille, mais sa grande passion, c’est l’écriture.
On est dans les années 1930 et Roosevelt est en train d’imposer sa grande politique étatique du New Deal. Les idées communistes sont alors plutôt en vogue dans les milieux intellectuels. Mais Ayn Rand, naturalisée américaine, garde un souvenir terrible de ses années en Union soviétique.
Elle raconte ainsi, en 1947, son expérience : "essayez d’imaginer ce que c’est de vivre dans une terreur permanente, du matin au soir, vous vous attendez à ce que quelqu’un sonne à votre porte, vous avez peur de tout et de tout le monde, vous vivez dans un pays où la vie n’a aucune valeur."
En 1943, son roman La Source vive est un succès d’édition qui sera même adapté au cinéma. L’histoire d’un architecte new-yorkais idéaliste et intransigeant, qui va jusqu’à dynamiter ses propres constructions pour éviter qu’elles soient dévoyées par l’administration. Ce roman est un plaidoyer pour ce qu’elle appelle l’objectivisme et l'égoïsme rationnel.
Sébastien Caré, politologue et spécialiste de la pensée libertarienne, explique sur France Culture en 2020 elle que sa priorité, "c’est précisément de définir une éthique de la vertu individuelle. L’individu égoïste, l’individu qui doit se passer de l’aide des autres, qui doit vivre dans son seul intérêt. Et c’est seulement dans un second temps qu’Ayn Rand essaye de dégager les conditions sociales qui permettront justement aux individus d’accéder à cette vertu d'égoïsme. Et il se trouve que le cadre le plus juste, c’est le capitalisme, c’est le moins d’État, c’est de faire en sorte que les individus apprennent à se passer de l’aide des autres".
Isolationniste, Ayn Rand est contre l’entrée des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale. Mais après la guerre, les temps ont changé. Les sympathisants communistes sont traqués par le Sénateur McCarthy. Ayn Rand témoigne dans plusieurs procès contre ces derniers à Hollywood.
En 1957, elle publie La Grève, son roman le plus important, un pavé de 1300 pages. Mais contrairement à ce que laisse penser la traduction française, Ayn Rand ne fait pas du tout l’apologie de la grève.
Dans ce livre, un jeune ingénieur, qui a inventé un moteur révolutionnaire, se rebelle et refuse de se faire piller sa création par la société.
La figure de l'entrepreneur héroïque face au monde
Alain Laurent, philosophe et spécialiste d'Ayn Rand, résume : "c’est la grève d’un certain nombre de personnes qui sont des créateurs, des producteurs, des entrepreneurs qui ne supportent plus d’être enserrés dans une foule de réglementations, ça s’inspire quelque peu des États-Unis des années 1940 et puis d’autre part, d’être dépossédés de leurs droits sur leur œuvre."
Très présente dans les médias, Ayn Rand donne aussi des cours dans des universités prestigieuses. Mais elle se fait de plus en plus discrète sur le terrain politique. Si Ronald Reagan apprécie beaucoup ses écrits, Ayn Rand, elle, athée radicale, ne soutient pas le futur président républicain, à cause, notamment, de son discours religieux.
Ayn Rand ne soutient pas non plus les initiatives politiques institutionnelles des libertariens, comme l’émergence du parti libertarien dans les années 1970. Elle meurt en 1982 d’un cancer du poumon. Dans les dernières années de la maladie, elle qui avait prôné toute sa vie la fin de l’État-providence, sollicite néanmoins les aides sociales pour couvrir les dépenses de soin importantes liées à sa maladie.
Références