Carte blanche à Sameer Ahmad

Né à Bagdad, Sameer Ahmad a suivi son père alors réfugié politique, en Algérie avant de rejoindre la France. C‘est en Normandie qu’il découvre l’univers du skate-board, un mode de vie à travers lequel il découvre des styles musicaux, des groupes comme Primus, NOFX, Pennywise.... "Le rap, le rock des années 1970, le reggae, le jazz, la soul… J’ai tout découvert via le skate" explique-t-il. Lorsqu'il se lance dans le rap, il joue aux côtés de Sinik puis signe son premier album Le sens de la formule en 2005, suivi de Le môme qui voulut être roi. Instituteur dans la région de Montpellier auprès des enfants de réfugiés, en 2010 il sort Justin Herman Plaza. Mention spéciale pour l'album Perdants Magnifiques (qu'il considère comme son premier album) en hommage à "Ceux qui, selon les règles établies, sont des perdants mais qui, au regard d’autres valeurs, sont loin de l’être" dixit Sameer Ahmad.

Entré en communion avec le rap notamment grâce aux rimes affutées de Nas et aux jeux de mots complexes du duo de Brooklyn Smif-N-Wessun, l’esthète du rap a le sens de la formule. Pour être encore plus libre il se réinvente avec les sonorités chaudes et lumineuses du dyptique Un Amour Suprême. Il y incarne Jovontae puis Ezequiel, deux jeunes rappeurs en découverte du monde. Jovontae, figure centrale de la première partie, est un skateboarder noir-américain, alors que trois ans plus tard, son deuxième alter-ego Ezekiel est un prophète de l’Ancien Testament. Le titre Un Amour Suprême est un clin d'œil au fabuleux disque A Love Supreme de John Coltrane (1965).

En 2019, il sort Apaches où figurent les rappeurs LK de l'Hôtel Moscou et Nakk Mendosa. Il y multiplie les allusions aux héros du hip-hop (Kool Herc, Tupac, Biggie, Wu-Tang Clan, Suge Knight ...., à Malcolm X ou encore à Serge Gainsbourg. Un album concept avec un visuel fort signé par le dessinateur Hector de la Vallée et le graphiste Lasse Russe.

Deux ans plus tard, l'album Effendi (qui signifie les gens de loi, les militaires et les lettrés en Turc), s'ouvre sur un dialogue du western Mon nom est personne réalisé par Tonino Valerii. Il faut dire que Sameer Ahmad convoque dans sa musique toutes sortes d'influences, visuelles, littéraires, hip-hop, rock ... C'est un grand fan de cinéma et de Sergio Leone en particulier.

Au printemps 2022 Sameer Ahmad est en résidence à la Villa Albertine de Miami, aux côtés d'Arnaud, fondateur du label Bad Cop Bad. Au retour il quitte son emploi de professeur. "Mon travail sur la langue française est plus un travail sur les sonorités que sur le fond. Quitte à comparer, je trouve que ça se rapprocherait plus de Tarantino que du mouvement poétique Parnasse. Lorsque je commence un morceau, j’ai en tête les cinq ou six scènes culte autour desquelles tout va se développer, et quand j’ai l’instru, je découvre le décor dans lequel je vais leur donner vie". Avec son tout nouvel album La Vie est bien faite, il présente une musique ludique et libre :

Reconnu pour une certaine qualité dans l'écriture, Sameer Ahmad dit ne pas écrire vraiment. "C’est de l’oralité pure", explique t-il, (...) des phases qui viennent par humeur, comme des flashs blancs qui m’arrivent, que je ressens. Quand ce n’est pas assez naturel je lâche l’affaire. Il faut que ça reste très instinctif, comme le jazz."