Comment Ralph Lauren est devenu une marque iconique du rap français ?

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Comment Ralph Lauren est devenu une marque iconique du rap français ?

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Ralph Lauren - capture clip "Sur le coeur" (Cedrick Cayla pour CC Films)
Ralph Lauren - capture clip "Sur le coeur" (Cedrick Cayla pour CC Films)

Portée par quasiment tous les rappeurs, adulée par certains comme Alpha Wann, Caballero ou Jeanjass, la marque américaine reste indémodable.

Des ensembles Lacoste d’Ärsenik aux tenues complètes Louis Vuitton de Gazo en passant par les white tees de Jeune LC, le rap français a toujours entretenu une relation particulière avec le monde de la mode. Qu’il s’agisse de namedroppings dans les textes, de textiles mis en avant dans les clips ou à l’honneur sur les visuels, ou encore de collaborations directes avec les artistes, nombreuses sont les marques à s’être fait, volontairement ou non, une place à part entière au sein de la culture rap français. Ralph Lauren en fait évidemment partie, et occupe même une position très particulière, au point de devenir l’une des marques les plus iconiques du mouvement.

Pourquoi une marque initialement très éloignée de ce que représente la culture hip-hop s’est-elle hissée si haut dans le cœur des amateurs de rap ? Que représente-t-elle de particulier pour nos rappeurs ? Comment expliquer sa longévité et son "indémodabilité" en tant que marque iconique du rap français ?

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De Brooklyn à Vitry

L’acte de naissance de la grande histoire d’amour entre Ralph Lauren et le monde du hip-hop est devenu une petite légende urbaine : à la fin des années 80, les jeunes des quartiers de Crown Heights et Brownsville à Brooklyn se lancent dans une course aux plus belles pièces Ralph Lauren, une marque alors destinée à un autre type de public. Le mouvement, que l’on va appeler Lo Life, aboutit à des opérations spectaculaires, ces “voyous” (lowlife en anglais) organisant alors de véritables descentes dans les boutiques des revendeurs de la marque.

Plusieurs explications sont possibles pour justifier cette obsession soudaine : s’approprier un symbole de richesse, détourner les codes d’une maison plutôt associée à la sobriété et l’élégance, mais aussi simplement porter des vêtements alliant qualité, fiabilité et technicité, ce qui n’est pas négligeable quand on passe ses hivers dans le froid de la côte Est, et ses étés dans la chaleur new-yorkaise. Polo Ralph Lauren devient alors rapidement l’une des marques adoptées par les premières stars du rap américain, en l’absence de brand réellement dédié au hip-hop. Le Wu-Tang, Nas, The Notorious B.I.G : tous adoptent le joueur de polo et contribuent à renforcer son importance au sein de la culture hip-hop.

En France, on a toujours un peu de retard à l’allumage, mais on finit par s’y mettre. Si l’imagerie globale du rap français est plutôt dominée par Lacoste à la fin des années 90, Ralph Lauren se taille petit à petit le respect de nos artistes. On n’oublie évidemment pas le très diplomate “mon logo, les joueurs de Polo, les alligators” de Booba sur Écoute Bien ("Temps Mort"), ou encore l’ensemble Ralph porté par Rohff sur la cover légendaire de "La Fierté des Nôtres". Année après année, la marque américaine est de plus en plus citée dans les textes et de plus en plus présente dans les clips.

"La fierté des nôtres",  3e album studio de Rohff, sorti le 21 juin 2004.
"La fierté des nôtres", 3e album studio de Rohff, sorti le 21 juin 2004.
- Rohff

La folie RL dans le rap français

Certains en font même un véritable art de vivre, à l’image de Butter Bullets (“Double R.L, Purple Label, Wimbledon Rap Game, Aztèques, pastel”), Radmo (“y'a du soleil, lunettes noires, Polo Ralph Lauren”), Lalcko avec notamment le titre Weston & Ralph (“on veut inspirer le mouvement tout en étant statique comme le logo Ralph”), ou encore Teki Latex, l’un des artistes français les plus engagés parmi les fans de la marque.

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Il est bien entendu impossible de passer à côté d’Alpha Wann, auteur de la série d’EP "Alph Lauren", ou de Caballero, Jeanjass et leur beatmaker Eskondo. Faisant de leur amour pour Polo Ralph Lauren une véritable caractéristique de leurs univers artistiques respectifs (“à cheval sur la qualité”), on les a notamment vu s’affronter au cours de véritables battles de sapeurs. Reste à comprendre pourquoi ils s’évertuent à mixer des tenues full Polo avec des Off-white ou des Yeezy, mais on n’est pas là pour juger.

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Sans forcément chercher à s’imposer comme une figure incontournable du rap français, Ralph Lauren apparaît régulièrement là où on ne l’attend pas forcément, comme quand SCH pose un freestyle légendaire en chemise blanche sur un bateau, revenant à l’imagerie plus classieuse de la marque.

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De manière générale, l’univers de Ralph Lauren est très régulièrement cité par les rappeurs français, toutes générations confondues. On pense par exemple à Mac Tyer, à la fois un vétéran du game, un rappeur toujours extrêmement actif, et un grand passionné de mode, qui se plaît à insister sur son indémodabilité, en évoquant une pièce symbolique : “classique comme le polo Ralph”. Parmi les artistes plus jeunes, certains font preuve d’inventivité pour exprimer leur amour pour la marque américaine, à l’image de Tedax Max et de son “joueur de polo sur le polo”, ou d’Eden Dillinger qui imagine “César en polo Ralph”. Mention spéciale pour le toujours très spectaculaire Infinit’, capable de nous faire comprendre que garde-robe déborde de pièces Ralph, sans même citer le nom de la marque : “trop de chevaux dans mon placard, Brigitte Bardot le protège”.

Un équilibre idéal entre accessibilité et standing

Si une marque comme Ralph Lauren reste l’une des préférées de nos artistes, presque 40 ans après la folie de l’émergence du mouvement Lo Life à New-York, elle n’a pourtant jamais vraiment effectué de mouvements stratégiques ciblés vers le monde du rap français -en dehors de partenariats ponctuels ou d’évènements. Contrairement à d’autres marques, dont la relation avec le rap français est plus conflictuelle (on pense évidemment à Lacoste ou Philippe Plein), Ralph Lauren entretient des rapports apaisés avec le game. Sans jamais être la brand numéro 1, le joueur de polo reste incontournable, et surtout n’est jamais considéré comme has been.

Le positionnement de la marque contribue également fortement à en faire une indispensable du vestiaire du rap français : d’un côté, le standing est plus élevé que chez les marques de sportswear classiques (Nike, Adidas) ; de l’autre, s'habiller chez Polo Ralph Lauren représente un coût, mais reste infiniment plus accessible que les produits de luxe de Louis Vuitton, Gucci et Versace, régulièrement cités dans les textes de nos artistes mais hors de portée pour la grande majorité des auditeurs. L’équilibre est idéal, et contribue à en faire une marque que n’importe quel rappeur, quel que soit son style, son niveau de vie ou sa popularité, peut porter sans risque.