Crise à Mayotte : l’État impuissant ?

Depuis le 22 janvier, les militants des "Forces vives de Mayotte" bloquent plusieurs axes routiers ©AFP - Gregoire MEROT
Depuis le 22 janvier, les militants des "Forces vives de Mayotte" bloquent plusieurs axes routiers ©AFP - Gregoire MEROT
Depuis le 22 janvier, les militants des "Forces vives de Mayotte" bloquent plusieurs axes routiers ©AFP - Gregoire MEROT
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Depuis le mois de décembre, des collectifs s'organisent à travers Mayotte afin de manifester leur colère face à la présence de camps d'immigrés. Celui de Cavani, à Mamoudzou, a mis le feu aux poudres et le département est en proie aux tensions.

Avec
  • Clémentine Lehuger Docteure en science politique de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

Un point de rupture ?

Depuis plusieurs mois, une intense crise sociale secoue l’île de Mayotte. Les barrages se multiplient dans le 101e département français en réaction notamment à un afflux migratoire continu depuis les Comores et Madagascar. Une forme de mobilisation qui n’est pas nouvelle sur l’île mais qui semble aujourd’hui prendre une tournure inédite, alerte Clémentine Lehuger, docteure en science politique de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. "Nous sommes face à une tension comme l'île en a rarement connu, bien que ce territoire subisse des crises assez successives. Barrer les routes, tenir des barrages, bloquer les administrations, ce sont des actions qui s’intègrent dans un répertoire de mobilisation assez classique à Mayotte. Habituellement, le préfet, se rendait sur place pour trouver un compromis avec les manifestants et les blocages étaient ensuite levés. Ici, le préfet a demandé de manière solennelle la levée des barrages, en rappelant notamment les lourdes implications économiques. Face à leur refus, les manifestants ont été dispersés manu-militari par les forces de l’ordre. La population a développé un vif ressentiment à l’égard des pouvoirs publics avec le sentiment que l’Etat se retournait contre eux. C’est une rupture avec les situations précédentes.

La carte de séjour territorialisée

Au cœur des revendications mahoraises, la fin de la carte de séjour territorialisée empêchant les immigrés qui en sont détenteurs de circuler sur l’ensemble du territoire national et les contraint à rester sur l’île. Cette disposition, explique Clémentine Lehuger, est vécue comme une injustice de l’Etat à l’encontre du département d'outre-mer : “ce séjour territorialisé est l’un des dispositifs dérogatoires très vivement critiqués, à la fois par la population mahoraise, mais aussi par les élus qui en demandent la suppression depuis de nombreuses années maintenant. Cette disposition n'existe qu'à Mayotte et est aujourd'hui perçue comme le symptôme d'un traitement inégalitaire au sein de la République. Pour les habitants, elle maintient les migrants dans une situation d’extrême pauvreté et de précarité, empêchant le développement du territoire et saturant les services publics.

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