Du roman au théâtre, Stanislas Nordey adapte Le voyage dans l’Est de Christine Angot

Le  Voyage dans l'Est est un roman que Christine Angot fait paraître en 2021 aux éditions Flammarion. Il lui vaut le prix Médicis. Elle y travaille énormément le rapport à la mémoire, aux faits, à la distorsion ou l'éclaircissement par le temps. Elle y dissèque patiemment le rapport à la langue entre outil de domination et outil de libération. Tout cela autour des viols commis par son père, dont elle fut la victime à partir de 13 ans. La victime et non la fille, car c'est ainsi qu'elle ne cesse de redéfinir le tabou de l'inceste, comme une négation absolue du lien de filiation, une mise en esclavage, le sceptre par excellence de la domination patriarcale. Lecteur assidu de l'œuvre de Christine Angot, Stanislas Nordey en propose une mise en scène magistrale d'intelligence et de sensibilité et il est l’invité du "Book Club" aujourd'hui.

Le Voyage dans l'Est est visible au  théâtre Nanterre-Amandiers du 1er au 15 mars.

Adapter un roman au plateau, un travail problématique

"Ce qui m’a plu plus que tout dans ce texte, c'est la langue qui m'a sauté à la figure. Christine Angot arrive à un point d'incandescence à cet endroit par toute sa diversité, par toutes les strates d'écriture diverses. Donc très vite, de façon irréfléchie, je l’ai appelée pour lui demander si je pouvais adapter son livre sur scène. Elle a dit oui, et je me suis lancé, en sachant que le danger pour moi était que je n’ai jamais adapté de roman. Je respecte toujours tous les textes à la virgule. Alors adapter ce roman m’a posé problème, parce qu’en adaptant, je dois faire des choix dans l'écriture, dans l'œuvre, et donc d’une certaine manière, me substituer à l'écrivain. Pour moi, cela a été d’une violence extrême.", raconte Stanislas Nordey.

La note vocale

La question de Vinciane@Louiseetlouisedeux à Stanislas Nordey :

"Lire le roman de Christine Angot est une lecture difficile. 'Voyage dans l’Est' me fait immédiatement penser au Consentement de Vanessa Springora, et a bien d’autres romans comme L’événement, Les armoires vides, et Mémoires de filles d’Annie Ernaux, ou plus Récemment Triste tigre de Neige Sinno puisque ces deux livres se font écho. Alors, je voulais savoir si, pour nourrir votre travail, vous aviez ressenti le besoin d’aller puiser dans ses autres textes ?"

Stanislas Nordey : "Non, ça je ne l'ai pas fait, je ne me suis pas dit, il y a trois ans : 'tiens, j'ai envie de faire un spectacle sur l'inceste, qu'est-ce que je peux trouver comme livre qui parle de ça ?' D'ailleurs, ce n'est pas un spectacle sur l'inceste, c'est un spectacle qui raconte l'histoire d'une femme qui traverse sa vie et dans cette vie-là, il y a un accident à un moment donné. Donc non, je n'ai pas été regardé autour. En plus, Christine Angot a écrit à partir de cette question dans plusieurs de ses œuvres, et là, c'était plutôt intéressant de voir ce qu'on retrouvait, ce qui changeait, et ce qui se déplaçait."

La force de l’écriture avant tout

"Et moi, ce que je trouve magistral dans ce qu'elle décrit, c'est qu'il n'y a pas une vérité, il y en a 25, et rien n’est simple. À un moment donné, quand elle a 16 ans, elle décide d'arrêter de voir son père et puis elle va vouloir le revoir 10 ans après, parce qu'elle ne cesse de dire dans ce texte, qu’elle voulait être sa fille, elle le réclamait, sauf que lui, n’a jamais voulu qu’elle le soit. Et dix ans après, quelque chose de la même violence, ou peut-être plus encore, se retisse. En fait, ce que je trouve beau, c’est que ce qu’elle raconte est littéralement incompréhensible. Ce que j’aime également, c’est que dans ce texte Christine Angot montre la violence de la société, la violence du monde, l'impossibilité de voir ce qui se passe, alors qu'elle, elle voit ce qui se passe. Finalement, si je suis totalement honnête, ce qui m’a poussé au départ à monter ce texte aussi, c'était que je voulais faire entendre la force de l'écriture de Christine. J'avais envie qu'on puisse sortir du spectacle en se disant : 'quel grand texte !'", dévoile Stanislas Nordey.

Le grand Jeu des pages musicales

Comme chaque jour en fin d’émission, l’heure est venue de jouer à notre grand jeu des pages musicales. Pour jouer avec nous, c’est très simple : si vous repérez, au gré d’une de vos lectures, un passage qui évoque un morceau de musique, prenez-le en photo ou relevez le texte par écrit, et envoyez-le-nous via le compte Instagram de l’émission ou sur notre mail "lebookclub@radiofrance.com".

On doit la trouvaille d’aujourd’hui à Soua. Il s’agit d’un extrait du livre de  Diaty Diallo Deux secondes d’air qui brûle (Seuil, 2022)

Archive

Christine Angot, émission À voix nue, France Culture, 22/09/2004

Extrait

Le Voyage dans l'Est, mise en scène de Stanislas Nordey

Références musicales

Olivier Mellano et Mona Soyoc, Idiot

Rone, Les Olympiades

Cat Power, Bathysphere

Retrouvez-nous sur Twitter via le hashtag  #bookclubculture et sur Instagram à l'adresse  @bookclubculture_Et sur le site de l’émission en cliquant sur l’enveloppe Contacter l’émission, ou par mail :  lebookclub@radiofrance.com.