L'Espagne, la Norvège et l'Irlande ont reconnu un État Palestinien. Mais est-ce le bon moment ? Quelle est la position de la France ? Emmanuel Macron a franchi une ligne rouge en acceptant que l'Ukraine utilise des armes françaises pour cibler la Russie. Quelles peuvent être les conséquences ?
- Anne-Lorraine Bujon Directrice de la rédaction de la revue Esprit
- Sylvie Kauffmann éditorialiste au journal « le monde », spécialiste notamment des questions internationales.
- Thomas Gomart Historien des relations internationales, directeur de l’Institut français des relations internationales (IFRI).
- Catherine Tricot Directrice de la revue Regards
Le moment est-il venu de reconnaitre un état palestinien ?
Depuis mardi, trois nouveaux pays ont officiellement reconnu l’état de Palestine : la Norvège, l’Irlande et l’Espagne. Emmanuel Macron a annoncé le même jour qu’il ne voulait pas reconnaître l'État de Palestine sous le coup de l'"émotion". Il prévoit de le faire à "un moment utile". Une reconnaissance qui intervient deux jours après la frappe israélienne sur le camp de réfugiés de Rafah qui a fait 45 morts et près de 250 blessés, provoquant une indignation internationale. La Maison Blanche s’est dit "bouleversée". "Indigné" Emmanuel Macron a appelé "au plein respect du droit international et au cessez-le-feu immédiat". Mardi, c’est le député LFI Sébastien Delogu qui s'est levé pendant la séance de questions au gouvernement pour agiter un drapeau palestinien. La reconnaissance d’un état Palestinien est un sujet brûlant : Les représentants du PS, de LFI et d'EELV se sont prononcés favorablement à la reconnaissance d'un État palestinien. Le RN, Reconquête et les Républicains n’y sont pas favorables. La majorité est divisée sur le sujet. Pour le numéro deux sur la liste Renaissance et eurodéputé Bernard Guetta ou pour l’ancien ministre Jean-Yves Le Drian, « cette reconnaissance est devenue indispensable. » Mais pour François-Xavier Bellamy, ce n’est pas le bon timing. "Il faudra un jour une solution à deux États", pour obtenir "la paix", mais "aujourd'hui", ce serait "donner raison" au Hamas, a déclaré la tête de liste LR aux Européennes, sur Franceinfo ce mercredi 29 mai.
Cette reconnaissance de l’état Palestinien intervient quelques jours après le vote par l’Assemblée générale des Nations Unies d’une résolution demandant de faire de la Palestine un état membre à part entière de l'ONU. Et quelques jours après la demande du procureur de la CPI d'un mandat d'arrêt Benyamin Netanyahu, et son ministre de la défense, ainsi que contre trois dirigeants du Hamas. Sans oublier la tournée en Europe du premier ministre de l’autorité palestinienne depuis dimanche où il a rencontré des dirigeants européens et des représentants des pays arabes. Le sujet était évidemment la question de la reconnaissance d’une solution à 2 états. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a souligné dimanche sur TV5 Monde que “seule une Autorité palestinienne ‘forte’ était à même de garantir la paix”. “Je pense qu’une Autorité palestinienne qui fonctionne est aussi dans l’intérêt d’Israël”. Alors doit-on reconnaitre l’état Palestinien ? Doit-on légitimer cette reconnaissance en pleine guerre ? Est-ce donner raison au Hamas comme le souligne Bellamy ? La reconnaissance de l’état de Palestine peut-elle être un préalable pour négocier la paix ? L’Europe peut-elle parler d’une même voix sur ce sujet ?
Faut-il soutenir l’Ukraine à n’importe quel prix ?
Madrid, Lisbonne, Bruxelles et la semaine prochaine la France (pour les commémorations du 80ème débarquement) : le président Volodymyr Zelensky multiplie les déplacements cette semaine et la semaine prochaine. Des déplacements pour convaincre les alliés de pouvoir utiliser les armes livrés par les occidentaux pour viser les cibles militaires sur le territoire russe. Car depuis le début du conflit, l’utilisation de ces armes sur le territoire russe est une ligne rouge pour les Européens et les Américains. Mais certains pays commencent à briser le tabou. Car, « Ce qui a changé, c’est que la Russie a un peu adapté ses pratiques », a justifié le président français, constatant, carte à l’appui, qu’elle bombarde la ville de Kharkiv et ses environs depuis son sol et non plus depuis les territoires occupés. Selon lui, on doit permettre à Kiev de "neutraliser les sites militaires d'où sont tirés les missiles (...) les sites militaires depuis lesquels l'Ukraine est agressée". « Si on leur dit “vous n’avez pas le droit d’atteindre le point d’où sont tirés les missiles”, en fait on leur dit, “on vous livre des armes mais vous ne pouvez pas vous défendre”. » Il a toutefois souhaité tracer une ligne rouge, évoquant des frappes limitées aux bases militaires russes d’où la Russie frappe l’Ukraine. Même son de cloche du côté de chef de l’OTAN Jens Stoltenberg, « le temps est venu de reconsidérer les restrictions imposées à l’Ukraine ». Pour lui, les armes une fois données ne nous appartiennent plus… L’Italie et l’Allemagne sont plus mitigées. L’Allemagne refuse toujours de livrer ses missiles de longue portée Taurus à Kiev, mais Olaf Scholz a ouvert la porte à ce que les chars transférés par Berlin sur le front ciblent le territoire russe. « L’Ukraine a toutes les possibilités de le faire, en vertu du droit international, a-t-il déclaré. Il faut le dire clairement, elle est attaquée et peut se défendre. » Mais certains pays sont plus réticents. Car la crainte d’une escalade et d’une extension du conflit est dans toutes les têtes. Et le chef du Kremlin l’a encore rappelé récemment, « Cette escalade permanente peut avoir de graves conséquences ». Autre requête du président Ukrainien que les avions de l’OTAN puissent abattre les missiles et drones russes en tirant à partir des espaces aériens de pays de l’alliance, Pologne ou Roumanie. Des requêtes du Président Ukrainien, car la guerre continue sur le terrain. Kharkiv est toujours la cible des bombardements russes
Alors doit-on autoriser l’Ukraine à utiliser les armes qu’on lui livre pour attaquer des cibles sur le territoire Russe ? Les occidentaux doivent-ils s’engager davantage dans le conflit ? Ne risque-t-on pas une escalade du conflit ? Comment les occidentaux sont-ils divisés sur l’utilisation de leurs armes par l’Ukraine ?
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