La frontière russo-finlandaise restera fermée au moins jusqu'au 11 février. Un afflux anormal de quelques milliers d'exilés, poussés par les autorités russes, inquiète la Finlande et ses voisins européens. S'agit-il d'une guerre hybride entre la Russie et la Finlande ?
- Julien Jeandesboz Chercheur au Centre de Politique Internationale (REPI), professeur en études européennes et internationales à l’Université Libre de Bruxelles
- Louis Clerc Professeur en histoire contemporaine à l'université de Turku en Finlande
- Linda Haapajärvi Chercheuse en sociologie à l'Université de Tampere, membre associée au Centre Maurice Halbwachs (CNRS-EHESS-ENS) et à l'Institut Convergences Migrations
La Finlande possède 1340 kilomètres de frontière commune avec la Russie, une frontière qu'elle a renforcée depuis plusieurs années. Malgré tout, depuis le 29 novembre, là à l’exception d’un seul point de passage, prenant pour prétexte la "guerre hybride" que Vladimir Poutine lui mène, en particulier en regroupant des migrants moyen-orientaux et africains à la frontière russo-finlandaise.
Une pression plus forte encore depuis l’adhésion du pays à l’OTAN en avril dernier.
Il faut dire que par ailleurs, la nouvelle coalition au pouvoir depuis moins d’un an à Helsinki, coalition à laquelle participé le parti d’extrême droite des "Vrais finlandais" a mis en place une politique d’asile bien plus sévère qu’auparavant et que les questions migratoires et d’identité prennent une place de plus en plus vaste dans le débat public. C’est d’ailleurs un des sujets qui ont nourri la campagne électorale pour l’élection du président, dont le premier tour a lieu ce dimanche en Finlande.
La frontière finlandaise, nouvel espace de tension
« Les autorités finlandaises parlent beaucoup de la CSCE (Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe), c’est considéré comme un grand succès de la diplomatie finlandaise » explique Louis Clerc. « La Finlande de la guerre froide se présentait comme un pays neutre qui donnait la possibilité de faire cette médiation. Or, aujourd’hui après l’entrée dans l’OTAN, et là encore, essentiellement du fait des pressions qui sont mises sur le pays par son grand voisin, la Finlande n'est plus concrètement un pays neutre. Elle fait partie d'une alliance, elle fait partie d'un bloc donc ça complique évidemment les relations essentiellement avec la Russie et ça complique très probablement la gestion raisonnable de cette question de frontières».
Julien Jeandesboz précise que «Au sein de l'Union Européenne, on a eu des prises de position, y compris de la présidente de la Commission Européenne, appuyant tout à fait la Finlande dans sa démarche de fermer les frontières et d'affirmer son contrôle sur cette frontière orientale. Les orientations que manifeste le gouvernement finlandais en matière de contrôle frontalier elles sont partagées par de nombreux pays européens et on est même en train, à l'heure actuelle à Bruxelles, de discuter d'un nouveau règlement qui formaliserait la notion d'instrumentalisation de la migration et qui mettrait à disposition notamment de la Commission européenne des outils pour permettre aux Etats membres de faire face à ce genre de démarches».
Lina Haapajärvi «Nous comptons près de 100 000 personnes russophones en Finlande, c’est à peu près un cinquième de la population immigrée de notre pays donc cette fermeture de la frontière n'est pas qu'une mesure sécuritaire. Cela va avoir aussi des conséquences extrêmement réelles sur les vies de famille, les organisations de la société civile, les travailleurs et par exemple les milliers d'étudiants qui sont présents en Finlande, qui sont russes, et depuis que les banques, les systèmes bancaires par exemple ne communiquent plus, plus de fonds qui arrivent depuis leurs familles, depuis leur pays, donc on va créer des vies extrêmement compliquées pour la minorité russe, donc on regarde aussi une réalité assez sinistre quand on ferme cette frontière à l'intérieur du pays».
Pour aller plus loin :
- Louis Clerc est l'auteur de La Finlande dans la Seconde Guerre Mondiale (Éditions Perrin, 2023).
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