Franck Thilliez : "Quand j'étais adolescent, j'adorais me faire peur, ressentir cette adrénaline dans les histoires"

Le romancier Franck Thilliez à Paris en mai 2021. - JOEL SAGET / AFP
Le romancier Franck Thilliez à Paris en mai 2021. - JOEL SAGET / AFP
Le romancier Franck Thilliez à Paris en mai 2021. - JOEL SAGET / AFP
Publicité

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Lundi 20 mai 2024 : l’écrivain, Franck Thilliez. Il publie un nouveau polar : "Norferville" aux éditions Fleuve.

Franck Thilliez, de par ses études à l'Institut supérieur de l'électronique et du numérique, aurait dû évoluer en tant qu'ingénieur dans les nouvelles technologies, sauf que l'écriture en parallèle a eu raison de lui. Les romans, scénarios et histoires nourrissent son quotidien avec de beaux succès. On pense à La Chambre des morts en 2005, puisque c'est vraiment le point de départ, la rencontre avec le public, un polar qui a reçu une belle reconnaissance dans le milieu.

Franck Thilliez a su, en 20 ans de carrière, grâce à ses personnages récurrents comme le commissaire Franck Sharko ou l'inspectrice Lucie Hennebelle, séduire les lecteurs avec en toile de fond des disparitions, des meurtres et du suspense. Au menu : des frissons, de l'adrénaline, des intrigues avec une précision crédible, parfois chirurgicale. Aujourd'hui, il publie Norferville chez Fleuve éditions, ou comment être projeté dans le Grand Nord québécois, où le froid extrême devient un personnage central qui affronte la rudesse de plusieurs assassinats morbides, puisqu'on est face à un tueur en série.

Publicité

franceinfo : Dans Norferville, vous semblez jubiler. Qu'est-ce qui vous plaît dans ces rôles que vous endossez tour à tour, inspecteur, assassin, médecin légiste, ami proche de la victime ?

Franck Thilliez : C'est vrai que c'est un univers très sombre qui peut paraître surprenant, puisque les gens disent de moi que je suis une personne plutôt sympathique. C'est la transmission de la peur. Moi, quand j'étais adolescent, j'adorais me faire peur, ressentir cette adrénaline dans les histoires que je pouvais soit voir à la télévision ou lire, notamment avec Stephen King. J'ai trouvé ça tellement fascinant qu'aujourd'hui, ce que j'essaye de faire, c'est de transmettre cette émotion du frisson. Puis les gens adorent ça, ils adorent se faire peur, parce que c'est une peur qui est saine, qu'on peut maîtriser. On referme le livre et la peur s'arrête.

"Je jubile quand les gens viennent me voir et me disent : ‘Vous m'avez empêché de dormir !’ Je leur réponds que j'ai donc réussi ma mission."

Dans ce livre-là et dans certains de vos livres, de plus en plus, vous injectez des vraies situations de vie ou de société. Vous plongez dans la psychologie des personnages, avec ce besoin d'aller nous parler de la réalité du quotidien et du terrain.

Oui, c'est ce que j'aime et c'est ce qui fait que le genre plaît aussi de plus en plus. On ne se contente pas de raconter une histoire qui est une pure fiction. Ce sont des livres qui parlent du monde dans lequel on vit, en fonction du regard de tel ou tel auteur. Moi, j'ai plutôt un regard sociétal et scientifique, mais c'est vrai que là ça parle d'un vrai fond. C'est ce qui va donner la matière au roman, ce qui est une surreprésentation de la violence chez les femmes autochtones qui vivent au Canada. Il y a des disparitions, des meurtres, ce sont des faits avérés dont on a beaucoup parlé en 2016, mais qui sont assez méconnus, finalement, en France. À travers une histoire qui reste quand même un thriller, c'est-à-dire qu'on tourne les pages sans s'arrêter, derrière, il y a un vrai fond. Ce qui fait que quand on referme le livre, on a une image un peu plus précise du monde dans lequel on évolue.

Vous rentrez dans la peau d'un enquêteur et vous dites que la première chose qu'on lui indique, c'est de ne pas faire rentrer la victime dans sa sphère privée, parce qu'il ne faut pas d'affect, qu'il faut rester le plus neutre possible.

Oui, ça fait partie de leur métier, comme le médecin légiste. Alors, avant de connaître des médecins légistes, je me demandais comment on pouvait être capable de passer sa journée à faire des autopsies avec de vraies personnes, sans avoir d'affect. Moi, je fais un peu pareil, car je parle d'histoires de disparitions, de crimes. J'ai moi-même des enfants, donc c'est vrai que j'aurais tendance à penser à mes propres enfants quand j'écris sur une mère ou un père qui recherche son propre enfant.

Et qui essaye d'élucider la mort de son enfant.

Oui, c'est absolument terrifiant. Cela m'arrive d'avoir des transferts pendant l'écriture et ça me met mal, parce que je ne peux plus écrire. Mais la plupart du temps, il y a le travail où je suis face à mon bureau et où je peux explorer des sujets très sombres et après, il y a la vie de famille. Cette séparation est nécessaire pour garder la tête froide quand on écrit ce genre d'histoires.

Aujourd'hui, vous êtes l'un des plus grands auteurs français, les plus lus, les plus vendus. Qu'est-ce que ça représente pour vous ?

C'est un formidable cadeau.

"Cela fait 20 ans que j'écris et chaque jour, quand je me lève, je me dis que j'ai une chance extraordinaire de pouvoir vivre de ce métier et de recevoir cette joie, cet amour des lecteurs à chaque fois que je vais en dédicaces, en rencontres."

Je dois beaucoup aux lecteurs parce que moi, j'ai commencé tout petit, j'ai envoyé mon manuscrit comme ça, par la Poste, et à chaque livre, ça a grandi un peu plus, parce que les gens aimaient les histoires, en parlaient. C'est une belle progression qui s'est faite au fil des années. Le succès n'est pas venu immédiatement. Par contre, il faut continuer à raconter de bonnes histoires parce que plus il y a de lecteurs, plus il y a des exigences, et c'est vraiment quelque chose à laquelle je m'accroche, de respecter ce contrat que j'ai depuis le début avec eux.

L'équipe