Le premier ministre israélien parle d’une « erreur tragique » après le bombardement meurtrier d’un camp de déplacés palestiniens près de Rafah ; mais il ne change pas de stratégie, malgré l’indignation du reste du monde face au nombre de civils tués.
Benyamin Netanyahou n’a pas l’habitude de reculer, il l’a montré en plusieurs décennies au pouvoir. Dans une courte déclaration hier au parlement israélien, il a néanmoins reconnu une « erreur tragique »… C’est comme ça qu’il a qualifié le bombardement dimanche par l’aviation israélienne d’un camp de déplacés dans la périphérie de Rafah, au sud de la bande de Gaza. Au dernier décompte, 45 morts et 249 blessés, le bilan le plus lourd en bientôt huit mois de guerre.
Ces courts regrets, qui ne convaincront toutefois pas grand monde, montrent que, pour une fois, le premier ministre israélien a pris la mesure des réactions suscitées dans le monde par les images terribles des tentes en flammes, des corps des victimes calcinées retirés par les sauveteurs. Dans un tweet, Emmanuel Macron se dit « indigné » et appelle au respect du droit humanitaire international et au cessez-le-feu. A l’unisson de la plupart des pays.
L’embarras était perceptible à Washington, et il est probable que ça a joué dans l’attitude de Netanyahou. Joe Biden plaidait depuis des semaines pour qu’Israël renonce à son opération à Rafah en raison du risque pour les civils encore nombreux. La mise en garde a trouvé dimanche soir toute sa justification, mais elle n’a pas été entendue.
Vendredi, la Cour de justice internationale des Nations Unies ordonnait à Israël de stopper toute opération militaire à Rafah qui mettait en danger la vie des civils. L’État hébreu n’avait aucune intention d’obéir à la justice internationale, surtout depuis que le procureur d’une autre instance, la Cour pénale internationale, a requis des mandats d’arrêts contre le premier ministre et le ministre de la Défense israéliens, ainsi que contre les dirigeants du Hamas.
Israël aurait été mieux avisé d’écouter la demande de la Cour de justice, car aujourd’hui le drame de Rafah enfonce un clou de plus dans l’isolement international d’Israël, et donne du poids aux appels à des sanctions.
D’autant que cette tragédie risque de compromettre les nouvelles discussions engagées ce weekend lors d’une discrète réunion à Paris, avec le directeur de la CIA : il s’agissait de renouer le fil de la négociation d’un cessez-le-feu et d’une libération des otages encore aux mains du Hamas.
Les excuses du premier ministre indiquent-elles une nouvelle attitude ? C’est peu probable, car Benyamin Netanyahou est déterminé à poursuivre ses opérations militaires à Gaza, et peut-être même sur d’autres fronts comme le Liban ou l’Iran. Il l’a dit en ces termes hier à la Knesset : après ses regrets, il a justifié son défi aux demandes venues du reste du monde : « on nous a dit de ne pas lancer d’opération terrestre, nous l’avons fait. On nous a dit de ne pas aller à Rafah, nous y sommes allés ». Il a également évoqué l’Iran en ajoutant : « je n’en parlerai pas ».
La poursuite de cette guerre, sous cette forme, avec son bilan de victimes civiles sans cesse croissant, rend la passivité internationale difficilement tenable. La France travaille, depuis des semaines, à une résolution de l’ONU négociée avec toutes les parties. Mais elle est bloquée par la menace d’un véto américain.
Hier, j’évoquais les victimes civiles ukrainiennes des bombardements russes à Kharkiv, et les appels à l’aide du président Zelensky. Les victimes civiles palestiniennes ont droit à la même attention, à la même protection.
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