Sur LCI, le premier ministre israélien a tenté de convaincre le public européen qu’il partage la cause de l’État hébreu, mais sa principale faiblesse est son absence de vision pour l’« après » : il n’a rien à proposer aux Palestiniens, surtout pas un État qu’il refuse.
Après bientôt huit mois de guerre et un nombre effroyable de victimes civiles, il était frappant hier soir de voir le décalage abyssal entre le discours du premier ministre israélien et l’émotion des opinions publiques dans le monde.
Il ne fallait évidemment pas attendre de la part de Benyamin Netanyahou la moindre concession aux appels aux cessez-le-feu, ou aux accusations de crimes de guerre, ou pire, qui le visent personnellement. Mais ses réponses aux questions du journaliste Darius Rochebin montrent l’incompréhension entre le dirigeant d’un État d’Israël qui se sent victime et assiégé, et le sentiment d’horreur qui domine dans le reste du monde après des images comme celles du bombardement de Rafah dimanche dernier.
Mais la principale faiblesse du propos du chef du gouvernement israélien, c’est son absence de vision de l’« après » - ou plutôt il y en a une : on ne change rien. Car même si on accepte sa version sur la nature de cette guerre, sur les victimes civiles involontaires, ou sur son combat contre l’antisémitisme, c’est cette absence d’avenir pour les Palestiniens qui est la plus inquiétante.
Il refuse toute perspective d’État palestinien - au moment où trois pays européens viennent de franchir le pas de la reconnaissance d’un État de Palestine, et où il existe un large consensus international autour de la solution des deux États.
Netanyahou n’envisage qu’une « autonomie » à terme pour les Palestiniens, c’est-à-dire une occupation éternelle en toute illégalité. Comment peut-il espérer que ça soit acceptable pour les millions de Palestiniens concernés, et, surtout, comment Israël peut-il espérer bénéficier un jour de la sécurité à laquelle il aspire, si ça ne s’accompagne pas d’une justice pour l’« autre » peuple présent sur cette terre ?
Au moment où un dirigeant israélien laisse entendre que la guerre pourrait durer encore sept mois, c’est-à-dire en passant jusqu’à l’élection américaine, Netanyahou présente aussi un plan pour Gaza qui contredit notamment son allié américain. Il veut rester responsable de la sécurité et, selon ses mots, « pouvoir y entrer à tout moment », en cas de besoin.
C’est donc une ligne très dure, et c’était prévisible : Benyamin Netanyahou est en difficulté sur tous les fronts, et réagit comme à son habitude en attaquant. Il ne peut pas revendiquer la victoire à Gaza après plus de sept mois de guerre ; il est mis en accusation par la justice internationale pour sa stratégie et ses victimes civiles ; et enfin, sur le plan interne, son rival politique Benny Gantz vient de déposer une motion de censure pour tenter de provoquer des élections anticipées.
Menacé de devenir un paria, il contre-attaque en dénonçant l’antisémitisme, qui est évidemment une réalité inquiétante en hausse, mais qu’il utilise aussi contre les juges internationaux qui méritent mieux, ou contre tous les détracteurs du type de guerre mené à Gaza.
Mais finalement, en venant sur une télévision française, il a tenté de coopter le public européen dans sa guerre, en affirmant que la victoire d’Israël serait « notre victoire ». Pas sûr que le téléspectateur français ait eu ce sentiment en entendant Netanyahou hier soir. Mais il y a un mot hébreu qui résume bien l’attitude du premier ministre israélien : « chutzpah », le culot.
L'équipe
- Production