Connaissez-vous l’andropause ? Parfois comparée à une ménopause masculine, elle est en fait un déficit de testostérone qui touche les hommes à partir de la cinquantaine. Longtemps minorée, elle est devenue l’une de leurs préoccupations majeures en vieillissant.
- Elise Thiébaut Autrice, journaliste et essayiste
- François Desgrandchamps Professeur d'urologie
- Anne-Cécile Suied Michelet Autrice et journaliste
- Emmanuelle Lecornet Sokol Médecin endocrino-diabétologue
L’andropause ou déficit androgénique lié à l’âge chez l'homme n’est pas une maladie, mais une baisse de testostérone aux multiples répercussions : baisse du désir, dysfonction érectile, fatigue, déprime, prise de poids. Nous verrons ce qu’est exactement l’andropause, ses mécanismes.
Tous les hommes sont-ils touchés, à l'image des femmes à l’âge de la ménopause ? Quels sont les premiers signes qui doivent alerter ? Comment y remédier ? Que penser de la prise de testostérone ? Quelles sont les autres solutions naturelles ? Et puis surtout, pourquoi l’andropause est-elle encore un tabou, une question qui gêne les hommes ?
On définit l'andropause comme un déficit androgénique lié à l'âge. Pour la docteur Emmanuelle Lecornet Sokol, il s'agit là d'une définition qui tient du parallélisme fait avec la ménopause chez la femme, mais parler de ménopause masculine est un abus de langage. "Il est difficile de comparer les deux choses, car autant à la ménopause, il y a un arrêt total de la production d'hormones féminines, d’œstrogènes, autant l'andropause est un terme qui n'est pas adapté : avec l'âge, physiologiquement, l'hormone masculine principale, la testostérone, va diminuer de façon inéluctable, mais c'est rare qu'elle parvienne à zéro, c'est plus un déficit, un manque". Pour autant, cela ne suffit pas à l'andropause : si la baisse n'a pas d'effets secondaires, alors il n'y a pas de déficit pour autant. Tout dépend de quelle valeur on part, il peut y avoir un manque chez l'un à un taux très haut et pas chez l'autre, à un taux très bas.
La testostérone est cette hormone qui, à l'âge adolescent, est responsable de l'apparition des signes masculins comme le développement de la verge, la synthèse de spermatozoïdes, les signes sexuels secondaires comme la pilosité. Adulte, elle a aussi un rôle sur les muscles et l'énergie, également sur le cerveau.
Un tabou de toutes pièces
Andropause vient de l'association des mots grecs, andros pour l'homme et la pause. D'après les recherches de la journaliste Anne-Cécile Michelet, l'origine se situerait en Italie au moment de la seconde guerre mondiale, période où le régime en place avait besoin d'hommes forts et virils. "D'après cette thèse, il semblait important d'avoir des hommes puissants, et donc de transformer des symptômes en une maladie. Une maladie qui dit qu'on n'est pas un homme pousse à aller voir le médecin, ce qui permettait de donner de la testostérone."
L'andropause fut même une maladie psychiatrique dans certains manuels médicaux. C'est pourquoi aujourd'hui, on parle moins d'andropause que de DALA, pour Déficit Androgénique Lié à l'Âge.
Quels sont les premiers signes ?
Le professeur Desgrandchamps explique que les signes avant coureurs sont notamment des pertes de mémoire et un isolement, un possible dysfonctionnement urinaire, une certaine fatigue. Tout comme pour les femmes avec la ménopause, cet isolement peut être apparenté à une dépression alors qu'il n'en est rien. Le risque est de se voir prescrire des antidépresseurs qui accentuent l'effet d'isolement. L'urologue appuie sur "la dépression et les troubles cognitifs, car la testostérone est l'hormone de la vascularisation cérébrale", d'où des troubles de la mémoire et un repli sur soi.
"Il ne faut pas résumer l'andropause à une sorte de virilité perdue dont on pourrait se moquer", en d'autres mots, les érections matinales ou lors des relations un peu moins solides que d'habitude. Le trouble de l'érection n'est qu'un point parmi d'autres, comme la joie de vivre, l'endormissement en fin de dîner, etc. Et le pic de testostérone est à 10 heures du matin, messieurs, donc la baisse d'énergie érectile à 07h du matin n'est pas le pilier central de la virilité. "Un homme n'est pas un godemiché." Punchline du professeur Desgrandchamps sur le ton de la boutade pour rassurer chacun.e mais parfois au cœur du problème et de la gêne à parler à son.sa médecin. La discussion part rarement sur ce premier élément, plutôt sur des troubles urinaires ou un "ça marche mois bien qu'avant" lancé l'air de rien au détour de tout autre chose.
Le climatère, un concept au-delà des "pauses"
Alors un mot rassemblera peut-être hommes et femmes sur l'andropause ou la ménopause : le climatère. Selon le dictionnaire Le Robert , le climatère est "la période de changement endocrinien entraînant des modifications physiologiques, somatiques et psychiques caractérisées par la fin des hormones sécrétées chez l'homme et la femme". Élise Thiébaut a écrit son livre en ce sens, en incluant et associant andropause et ménopause dès son titre, Ceci est mon temps : ménopause, andropause et autres aventures climatiques. Elle observait en effet au cours de ses recherches, que "dans un sens, il y aura de la pathologisation extrême de la ménopause et des représentations qui en fait une maladie, et côté masculin, il va y avoir quelque chose qui est du registre du déni", alors que les similitudes sont grandes.
Certes, il y a l'arrêt visible, en quelque sorte, des règles chez la femme, mais ce jalon ne suffit pas à définir la ménopause, il y a aussi, tout comme chez l'homme, des choses subtiles qui s'observent et s'accumulent, en revanche de manière plus lente chez l'homme et ainsi parfois de manière invisible.
Tous dans le même bateau
L'andropause touche beaucoup plus d'hommes que ce qu'on pense. Le professeur Desgrandchamps explique que "dans les dernières recommandations de 2020-2022, s'il y a de petits signes de dépression, des prises de poids, de fatigue, on donne de la testostérone puis on voit au bout de 6 mois : si ça va mieux avec, alors c'est qu'on en manquait". Pour lui, le dosage est ainsi devenu beaucoup plus commun, sans forcément parler de suite d'andropauses, et la majorité des hommes sont touchés, contrairement au faible pourcentage qu'on avançait il y a quelques années.
À l'observation de ces données, la docteur Lecornet Sokol avance que les médecins doivent aussi apprendre à aller chercher un peu plus loin que la baisse d'énergie passagère qui s'arrangera avec du sport et de repos.
La suite est à écouter ici...
Invité.e.s pour parler andropause :
- Élise Thiébaut, autrice, journaliste, essayiste, connue pour de nombreux écrits féministes, fondatrice de la collection Nouvelles Lunes des éditions Au Diable Vauvert, autrice de Ceci est mon temps : ménopause, andropause, et autres aventures climatiques (éditions Au Diable Vauvert, 2024)
- Anne-Cécile Suied Michelet, autrice, journaliste, autrice de Tout ce qu’il faut savoir sur l’andropause (mais que vous n’osez pas demander), préface du Dr Réginald Allouche médecin et ingénieur bio-médical (éditions Leduc, 2023)
- Dr. Emmanuelle Lecornet Sokol, médecin endocrino-diabétologue, présidente de la Fédération Française des Endocrino-Diabétologues, qui regroupe les médecins spécialistes en Endocrinologie-Diabétologie- Nutrition.
- Pr. François Desgrandchamps, chirurgien urologue, professeur d’urologie à l’Université de Paris pour les étudiants en médecine et les sage-femmes, chef du service d’urologie et de transplantation rénale et pancréatique de l’hôpital Saint-Louis, co-directeur de l’unité translationnelle d’uro-oncologie de l’Institut des Maladies Emergentes et des Thérapies Innovantes (IMETI)
Programmation musicale :
Alain Bashung, Gaby (1980)
L'équipe
- Production
- Réalisation
- Attaché(e) de production
- Attaché(e) de production
- Sirine Ben YounesAttaché(e) de production
- Charles ThierryStagiaire