Dans son roman "Le Nom sur le mur", paru le 18 avril dernier aux éditions Gallimard, Hervé Le Tellier l'oulipien commence son récit par la mort du héros. Le héros de papier André Chaix redonne corps à André Chaix, héros résistant, mort fusillé à 20 ans en 1944 par une Panzerdivision.
- Hervé Le Tellier Écrivain français, Prix Goncourt 2020 pour "L'anomalie"
Hervé Le Tellier, président de l'Oulipo et ancien journaliste diplômé de mathématiques et d'astrophysique, a étudié le journalisme et garde de cela un goût certain, même dans ses fictions, pour la documentation. Participant entre 1991 et 2018 à l'ancienne émission "Des Papous dans la tête", animée par Françoise Treussard sur France Culture, ancien chroniqueur pour Le Monde et La grosse Bertha, ancêtre de Charlie Hebdo, Hervé Le Tellier a également rédigé une thèse de linguistique intitulée "L'Oulipo, langage et esthétique de la complicité". On ne peut pas demander à entrer à l'Oulipo. On ne peut pas non plus en démissionner. Puis quand on meurt, on est excusé pour cause de décès. Hervé Le Tellier : "Nous sommes 41, dont la majorité sont excusés pour cause de décès. Ça va de Raymond Queneau à Marcel Duchamp en passant par François Caradec et par d'autres."
Hervé Le Tellier serait, avec Marguerite Duras pour son livre L'amant, l'auteur qui a vendu le plus grand nombre d'exemplaires de son prix Goncourt. En effet, en 2020, paraît L'anomalie (Gallimard). La pudeur et l'humour sont les boucliers de ce connaisseur en spleen qui façonne des livres tous différents les uns des autres. Hervé Le Tellier publie dans l'édition blanche de Gallimard un récit, "Le Nom sur le mur", dans lequel le jeune résistant André Chaix se fait un nom. Ce nom même, qui était inscrit sur le mur de la maison d'Hervé Le Tellier dans la Drôme, et qui a constitué le point de départ de l'enquête. "Le Nom sur le mur" en livre le récit, Hervé Le Tellier cherchant, au fil des pages, à s'apprivoiser l'éternel jeune homme, avec qui il partage un mur en crépi.
Le nom sur le mur
Il s'agit du nom d'un personnage réel, le maquisard André Chaix, qui a vécu dans un village de la Drôme provençale où Hervé Le Tellier vit une partie de l'année, un homme à la vie brève, sur lequel il ne savait au départ rien.
Il a rapidement eu envie de raconter cette histoire : "La genèse d'un livre, c'est toujours un peu mystérieux. J'avais commencé à me documenter, c'est vrai, avec cette idée qu'on arrivait en 2024 et donc au centenaire de sa naissance. Et j'ai eu la chance l'année dernière d'obtenir une série de documents qui m'ont été donnés un peu par hasard, par miracle, par une association d'anciens combattants, le Mémorial de la Résistance, qui avait obtenu de la famille du neveu d'André Chaix une petite boîte dans laquelle il y avait le fume-cigarette, la carte d'identité, la carte d'apprenti céramiste, des photographies, des tracts, des lettres. Et quand j'ai eu tout ça dans les mains, je me suis dit que ce n'était pas possible de ne pas écrire parce que j'avais tout ce qu'il fallait pour raconter une vie. Et parfois, les choses vous sont données et vous vous dites que c'est un petit miracle auquel il serait inélégant de ne pas répondre parce que c'est un cadeau de la vie."
Son rapport à sa mère
Concernant sa famille, Hervé Tellier raconte : "J'étais environné par un amour un peu maladif, un peu exigeant, qui était sous dépendance. 'Il fallait que...' Pour être aimé. Et ça, ce n'est pas tout à fait l'amour maternel qui doit être inconditionnel. L'amour sous condition, ce n'est pas de l'amour. Je l'ai découvert plus tard en devenant père, que ce n'était pas un amour tout à fait naturel que de devoir subir pour satisfaire.
Pour lui, il y a différentes motivations pour écrire : "Il y a aussi bien le désir d'accomplir une ambition maternelle comme celle de Gary à qui sa mère a dit : 'Tu seras écrivain, tu seras diplomate', et qui a fini par être les deux. Ou répondre à l'idée qu'on ne sera jamais rien selon votre mère et que finalement on finit par l'être quand même, malgré tout. Il n'y a pas de recette."
Un écrivain qui n'aime pas le pathos
Hervé Le Tellier trouve le pathos inélégant et il souffre de l'air du temps : "Je souffre un peu de ça et en même temps, il y a moyen de prendre un peu de distance. Donc il y a plein de choses, comme les réseaux sociaux, dont j'essaie de me tenir un peu éloigné. Ce qui me touche le plus en fait dans le monde actuel, ce sont les bulles, les bulles identitaires, la manière dont le monde s'est finalement refermé en une série de petites bulles qui n'ont plus contact avec les autres, qui chacune obéit à des biais de confirmation, des gens qui ne se parlent plus, qui ne s'écoutent plus, qui s'insultent. Ça, ça me fatigue un petit peu. Et je pense que c'est aussi lié à une dimension de repli sur soi et sur ses propres douleurs et sentiments qui sont liés au pathos."
🎧 Pour en savoir plus, écoutez l'émission...
Extraits diffusés :
Nous diffusons "Le chant des partisans", écrit par Joseph Kessel et Maurice Druon en 1943, ici interprété par Germaine Sablon, un extrait du film "L’Armée des ombres" de Jean-Pierre Melville (1969), ainsi qu'un extrait du film "The Wave" d'Alexander Grasshoff en 1981. On entend Italo Calvino en 1976 au micro de Jean Thibaudeau sur France Culture.
Choix musical de l'invité :
- Denis Cuniot – Papir iz dokh vays
Découvertes de l'invité :
Hervé Le Tellier partage une musique médiévale composée par Ryūichi Sakamoto et conseille à la lecture "L'option légère", recueil de poèmes de Victor Pouchet.
Programmation musicale :
- Malik Djoudi – Vivant
- The Clash – Should I Stay or Should I Go
- Vampire Weekend – Capricorn
Programmation musicale
Malik Djoudi
Vivant
Album Vivant (2024)
Label CINQ 7
Vampire Weekend
Capricorn
Album Capricorn / gen-x cops (2024)
Label COLUMBIA
L'équipe
- Production
- Réalisation
- programmateur
- Juliette LorphelinProgrammation musicale
- Louise LemoineStagiaire