Kléber Arhoul : "La culture et l'histoire rassemblent dans un pays divisé"

Kléber Arhoul au coeur du Mémorial de Caen
Kléber Arhoul au coeur du Mémorial de Caen
Kléber Arhoul au coeur du Mémorial de Caen
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En cette année du 80e anniversaire du Débarquement, le directeur général du mémorial de Caen Kléber Arhoul présente l'exposition “L’aube du siècle américain, 1919-1944". L'exposition retrace l'histoire culturelle, sociale, politique du peuple américain et est à visiter jusqu’au 5 janvier 2025.

Avec
  • Kléber Arhoul Directeur du Mémorial de Caen

Eva Bester reçoit Kléber Arhoul, directeur général du Mémorial de Caen et commissaire général de l'exposition  L’aube du siècle américain 1919-1944, qui retrace l'histoire culturelle, sociale et politique du peuple américain, visible à Caen jusqu'au 5 janvier 2025.

La culture pour rassembler les gens

Kléber Arhoul est énarque, son parcours s'est fait au sein de la fonction publique. Il a notamment été instituteur, préfet et directeur des affaires culturelles de Basse-Normandie. Il a une licence de droit et une maîtrise de lettres, il a également œuvré à la Cour des comptes, au ministère de l'Intérieur et à l'Élysée. Des fonctions qui ne lui ont jamais fait perdre le goût pour la culture : « La culture est au cœur à la fois de mes préoccupations et de mon action. Dans tous les métiers que j'ai pu faire, j'ai pu visiter la France dans sa profondeur, dans sa complexité et je me suis rendu compte que dans ce pays fracturé, divisé, parfois malade que la culture permettait de rassembler et de faire vivre des gens ensemble. C’est à travers la culture et l'histoire qu'on peut rassembler des gens dans un pays divisé. » Kléber Arhoul s’est aussi occupé de l'égalité des chances auprès du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais. Vous avez été préfet national, coordonnateur de l'accueil des réfugiés.

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Lorsque l’Europe nie la démocratie, ce n’est plus l’Europe

Kleber Arhoul a dirigé le Mémorial de Caen et très tôt dans son parcours, il a voulu comprendre pourquoi l'Europe, dans son histoire ancienne, récente et actuelle, a en elle ce goût immodéré pour la mort. Le Mémorial lui a permis de nourrir sa réflexion sur ces enjeux : « L'Europe est dans ses contradictions fondamentales, créatrice de la démocratie. Dans son histoire, elle la combat et, en étant aussi créatrice des droits de l'homme et du citoyen, elle arrive dans son histoire à anéantir l'autre, c'est-à-dire l'altérité. Ce sont des questions sans réponses, mais lorsque l'Europe, nie la démocratie et les droits de l'homme, ce n'est plus l'Europe. »

Le Portrait du jour
2 min

Le mémorial de Caen, un lieu où l’on parle des guerres pour penser la paix

Le Mémorial de Caen est un site de mémoire voulu par Jean-Marie Giraud, maire de Caen pendant 30 ans et témoin précieux des événements du 6 juin 1944. Il a été inauguré le 6 juin 1988 et c'est un des pôles de référence européens sur l'histoire des conflits contemporains. Pour Kléber Arhoul, c’est un lieu où l'on parle des guerres pour penser la paix : « C'est plus qu'un musée, c'est un Mémorial. Nous recevons près de 500 000 visiteurs par an, ce sont des gens qui ne vont pas spontanément dans les musées, mais qui viennent dans ce Mémorial parce qu'ils sentent à travers ce lieu qu'il y a un enjeu, qu'il y a quelque chose qui se joue et on donne les clés de compréhension des guerres du XXe siècle. Nous faisons entrer nos visiteurs dans l'histoire à hauteur d’homme à travers des objets du quotidien, ce qui nous permet, une fois qu'ils sont rentrés dans cette histoire, de leur expliquer les dynamiques internes qui traversent le temps historique. Ce qui fait la singularité du Mémorial de Caen, c'est de rendre accessible l'Histoire au plus grand nombre. »

Une exposition à l’angle original

Le 6 juin 1944, le débarquement des Alliés en Normandie dont nous fêtons donc cette année le 80ᵉ anniversaire, c'est le moment où s'achève l'exposition qui a lieu au Mémorial de Caen, mais c’est le point d'entrée pour l'aborder. L’exposition offre un angle original autour de la question : qui étaient ces soldats du 6 juin ? Parce qu'on ne naît pas soldat, on le devient : « Ces soldats, qui débarquent à 6 h 30 du matin et qui, pour certains d'entre eux, vont mourir à 6 h 32, de quelle Amérique viennent-ils ? Quelle est leur histoire ? Quelle est leur culture ? Quel est leur imaginaire ? Au Mémorial de Caen, nous allons commémorer le 80ᵉ anniversaire du Débarquement sans parler des guerres qui tuent, mais en parlant de la vie d'avant. Nous allons visiter cette Amérique où ont grandi ces soldats. »

Pour en savoir plus, écoutez l'émission...

La Marche de l'histoire
27 min

Choix musicaux de l'invité :
Les choix musicaux de Kléber Arhoul sont le standard de jazz Minnie the Moocher chanté par Cab Calloway, et le titre Dusty Old Dust  (So long, it's been good to know you) de Woody Guthrie.

Découvertes de l'invité :
Kléber Arhoul commente, en lien avec l'exposition qu'il présente :
- Un télégramme de Scott Fitzgerald évoquant le titre du livre Gatsby le Magnifique et l’affiche de l’exposition,
- La photographie de Roosevelt posant en César pour son anniversaire et parle de la transformation de la fonction présidentielle, des critiques autour du Big Governement,
- La photographie There’s no way like the American Way et parle de la guerre d’images autour du New Deal.

En complément de ses découvertes évoquées durant l'émission, Kléber Arhoul a souhaité partager une citation d'Edmund Wilson dans Night thoughts in Paris  (1922) : « L'Amérique est un lieu de perpétuel commencement. Nous sommes toujours à l'aube de grandes aventures. L'Histoire semble se trouver devant nous plutôt que derrière nous. »

Extraits diffusés : 
Au cours de cette émission, nous pouvons entendre plusieurs archives sonores : une issue de l'INA datant de 1945, un extrait du documentaire La Grande Guerre des Harlem Hellfighters  réalisé par François Reinhardt en 2017, le passage où Barack Obama décore un soldat, un autre du film The Jazz Singer d'Allan Crosland sorti en 1927. 
Apparaissent aussi un extrait du film Les incorruptibles de Brian de Palma sorti en salles en 1987, un autre du poème I, too ( Moi, aussi) de Langston Hughes qu'il récite lui-même en langue anglaise et la voix du Président Roosevelt le 7 mai 1933 à la radio américaine. Nous entendons aussi une réclame américaine pour le jeu du Monopoly en 1993 ainsi qu'un extrait de la version française du film Blanche-Neige, le premier-long métrage d'animation des studios Walt Disney.
Du côté musical, nous augmentons l'émission d'un extrait de l'hommage de Joan Baez à Sacco et Vanzetti avec le titre Here's to you interprété en 1978, et de quelques notes de la chanson de 1942 intitulée Remember Pearl Harbour de Dick Robertson.

L'équipe

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