Parler d'inceste dans un roman. Y livrer son histoire, sa souffrance, cette mission absurde de l'enfant victime qui tente, malgré ce qu'elle lui fait endurer, de préserver sa famille. Des excuses pour les chiens, publié aux éditions Belfond, raconte tout cela. Rencontre avec l'autrice, Marion Bello.
En France, chaque année, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles. 8 fois sur 10, il s'agit d'inceste. La plupart de ces enfants victimes essayent de parler mais ils font souvent face à une " Conspiration d'oreilles bouchés" comme le titrait un film de 1988. Marion Bello, est une de ces enfants victimes, qui, devenue adulte, a choisi de raconter sa famille incestueuse dans un premier roman plein d'humour édité aux éditions Belfond et intitulé Des excuses pour les chiens.
Le livre commence par une histoire banale de harcèlement scolaire. Lorraine est la mère de Gaspard, 6 ans. Atteint du syndrome d'Asperger, il est scolarisé dans une école privée de Haute-Savoie. Lors de la fête d'école, un parent d'élève éméché frappe violemment un enfant qu'il pensait être Gaspard. Scandale, stupeur ! Mais progressivement et sans complexes, les adultes présents comme la direction de l'établissement vont prendre la défense du parent agresseur au détriment des enfants.
Marion Bello explique : "Le harcèlement scolaire provoque chez les adultes des émotions très fortes souvent issues de leur propre enfance : peur de déranger les autres, de se faire remarquer, d'être mal vu par la directrice, de subir une violence physique. Alors, les adultes préfèrent souvent mettre en doute la parole de leur enfant, le faire taire avec des "tu es trop sensible" "tu auras mal compris" ou "ça n'est pas bien grave". Bien sûr, ils ne diront jamais qu'ils sont du côté de l'agresseur mais ils ne font rien pour protéger l'enfant ! Dans les cas d'inceste c'est exactement le même phénomène qui se produit."
Comme en écho, en miroir, l'épisode de harcèlement scolaire de son fils fait ressurgir chez Lorraine ce quelle a vécu enfant dans sa propre famille. De ses 10 à ses 13 ans, elle a subi les assaults sexuels de son oncle, dans le salon de ses parents, qui préféraient fermer les yeux. Elle a demandé l'aide de sa mère qui la lui a refusé, en inversant la culpabilité de cet inceste.
Le roman de Marion Bello est autobiographique mais ce n'est pas un témoignage. C'est une oeuvre littéraire qui fustige la famille incestueuse, souvent bien sous tout rapport, où un enfant subit le pire et doit se taire pour permettre aux autres membres de la famille d'être heureux. L'autrice s'inspire ainsi de Ceux qui quittent Omelas, une dystopie de l'autrice américaine de science fiction Ursula K Le Guin qui raconte l'histoire d'une ville ou la population ne peut être heureuse que par ce que, quelque part dans un bâtiment public, un enfant est maltraité.
Car derrière le silence, et lorsque l'inceste arrive, il y a des adultes qui, sans l'avouer ouvertement, se rendent complices de ces sévices. Le roman de Marion Bello propose donc une réflexion sur la parentalité. Il fustige non pas l'agresseur pédocriminel, mais la mère le père les frères et les sœurs et finalement toute la société qui laisse faire.
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Avec humour et beaucoup d'élégance, la romancière pointe aussi du doigt l'illusion narcissique dont se bercent beaucoup d'enfants victimes, d'être des protecteurs de leur famille. Pour leur silence et ce qu'ils endurent ils voudraient obtenir une forme de gratitude de la part de leur proches. Et c'est ce que demande le personnage de Lorraine, un petit signe d'humanité, des excuses, que les adultes seront incapables de prononcer parce qu'ils n'acceptent pas de se remettre en question.
Reste alors qu'une seule sortie, face à l'inceste : quitter la famille et porter plainte.
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