Publié le
L'Orchestre national de France joue, sous la direction de Cristian Macelaru, Taras Bulbla, rhapsodie pour orchestre de Leos Janacek. Extrait du concert donné le 10 mars 2022 à l'auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique.
Rhapsodie pour orchestre inspirée de la nouvelle éponyme de Nicolas Vassiliévitch Gogol (1835)
- Mort d'Andreï
- Mort d'Ostap
- Prophétie et Mort de Taras Bulba
En 1835, Nicolas Gogol publiait une première version de Taras Bulba, partie intégrante d’un recueil intitulé Mirgorod. Une seconde version de ce roman historique, plus développée et autonome, suivit en 1843. L’œuvre retrace l’épopée, au XVIIe siècle, de Taras Bulba et de ses fils Andreï et Ostap, cosaques zaporogues (guerriers ukrainiens vivant en amont des chutes du Dniepr, au centre de l’Ukraine), depuis leur patrie jusqu’en Pologne. Si le compositeur ukrainien Mykola Lysenko (1842-1912) précéda Janáček en composant un opéra en quatre actes d’après cette œuvre de Gogol (ouvrage créé à titre posthume à Kharkov en 1924), et Reinhold Glière (1875-1956), autre compositeur ukrainien (d’origine allemande), un ballet (1952), Taras Bulba inspira également les cinéastes russes : Alexandre Drankov en 1909, Vladimir Strijevski en 1924 – mais aussi Alexis Granowsky, installé en France, pour un film français de 1936 avec Harry Baur, Jean-Pierre Aumont et Danielle Darrieux, tout comme il marqua le jeune public français, en 1965, avec une adaptation pour la télévision de Jean-Louis Roncoroni destinée à la série de Claude Santelli « Le Théâtre de la jeunesse » (l’orthographe utilisée en France étant alors Tarass Boulba). L’un des thèmes traités par Gogol est le désir d’indépendance des peuples et leurs luttes pour l’obtenir, sujet sensible en 1915, en pleine Grande Guerre, et en 1918, à l’heure des exigences nationalistes exaucées : le 28 octobre de cette même année était créée, conséquence de la dislocation des empires centraux, en l’occurrence austro-hongrois et allemand, l’État souverain de Tchécoslovaquie.
Dans son Taras Bulba – on doit également à František Neumann la création de quatre des opéras de Janáček : Káťa Kabanová (1921), La Petite Renarde rusée (1924), Šárka (son tout premier opéra, composé en 1887 mais créé en 1925 seulement, à l’occasion du 70e anniversaire du compositeur), enfin L’Affaire Makropoulos (1926) –, Janáček fait appel à un orchestre richement coloré afin de dépeindre le destin héroïque et tragique de ces cosaques épris de liberté. Le père du musicien, instituteur de son village natal, tenait l’orgue à l’église, et Leoš Janáček lui-même étudia l’instrument à Prague en 1874- 1875, avant d’ouvrir en 1881 une école d’orgue indépendante à laquelle il consacra une grande partie de son activité, jusqu’en 1920. Son œuvre d’orgue est néanmoins plus que réduite (éternels regrets !) : trois pages de jeunesse, composées durant l’été 1875 – Predera (Prélude), Varyto (instrument tchèque légendaire, sans doute inspiré de la cithare grecque) et Choralnifantazie ; deux pièces notées Adagio, écrites et publiées (à compte d’auteur) en 1884. L’orgue ne réapparaîtra dans son œuvre qu’en complément de l’orchestre, ici même pour Taras Bulba puis dans la Messe glagolitique (1926), couronnée (avant la fanfare finale) d’un étonnant Postlude pour orgue seul.
Placé sous le double signe de l’amour d’Andreï (mélodie lyrique au cor anglais puis au violon) pour une jeune Polonaise dont l’appartenance à la religion catholique est ici suggérée par la présence de l’orgue, et d’une violence se faisant l’écho de l’affrontement entre Ukrainiens et Polonais ( sonneries de cloches, trompettes guerrières, bruits de la bataille faisant rage entre les deux camps ), le premier volet de Taras Bulba témoigne d’une tension de plus en plus fiévreuse, jusqu’au meurtre du fils cadet, Andreï, traître par amour d’une catholique, et tué par son propre père, Taras. Bouleversé par la mort de son cadet, le fils aîné, Ostap, est capturé par les vainqueurs. Conduit à Varsovie, il y est torturé et exécuté. De nouveau, contraste appuyé dans ce deuxième volet : d’un côté la couleur sombre des trombones (Taras, qui s’est introduit, déguisé, dans Varsovie et assiste à la scène) et les appels déchirants d’Ostap à son père (stridences de la petite clarinette) ; de l’autre la mazurka que dansent, triomphants, les vainqueurs de l’affrontement qui a précédé. Le dernier volet est consacré à Taras Bulba lui-même, à son tour capturé et brûlé vif, avec évocation rétrospective de ses hauts faits et de sa lutte pour un idéal : Janáček semble avoir eu le souci d’une magnificence orchestrale exacerbée, hommage à la foi inébranlable du cosaque dans la cause pour laquelle il a combattu, ce qui expliquerait la présence de l’orgue dans ce dernier mouvement (absent dans la version originale) – non pas, comme dans le premier mouvement, pour souligner les divergences de religion entre les deux camps, mais pour l’apport, timbres et majesté mêlés, de l’orgue associé à l’orchestre au grand complet.
Compositeur.rice.s
- Compositeur
Artistes
- Chef d'orchestre
- Orchestre