"Jouer du clavecin, une sensation assez intime", par Justin Taylor

Justin Taylor est un claveciniste français d'origine américaine.
Justin Taylor est un claveciniste français d'origine américaine.
Le clavecin, comment ça marche ? Par Justin Taylor - Culture Prime
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"Jouer du clavecin, une sensation assez intime", par Justin Taylor

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Avec ses riches ornementations et son timbre métallique, on associe souvent le clavecin à l’époque baroque. Pourtant le clavecin, ce n’est pas que ça, comme nous le prouve le musicien Justin Taylor.

À la fin de ses concerts, les spectateurs de Justin Taylor ont plus d’une fois fait part de leur agréable surprise : « Finalement, vous m’avez fait aimer le clavecin ! ». Pour le jeune claveciniste, c’est un instrument qui « mérite d’être entendu en live, pour découvrir son intimité et sa résonnance ». Pour France Musique, il nous explique comment marche le clavecin.

France Musique : Comment produit-on des notes au clavecin ?

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Justin Taylor : Le clavecin est un instrument à clavier sur lequel on appuie sur une touche. Celle-ci va actionner un petit morceau de bois qu'on appelle un sautereau, dans lequel est planté un petit bec en plume qui pince la corde. Certains clavecins ont des angles saillants, d’autres des plus courbés. Certains ont un seul clavier, d’autres en ont deux, avec des sonorités distinctes. Je peux jouer soit l’un, soit l’autre, et je peux aussi les jouer en même temps en actionnant un petit système de coulisse. Il peut aussi y avoir un dernier petit gadget, qui est le jeu de luth que l’on actionne par une petite molette. Cela donne un son plus étouffé, proche du luth. On combine un peu toutes ces possibilités pour varier les timbres du clavecin.

Le son du clavecin est produit grâce au sautereau, une petite tige en bois avec un bec en plume, qui vient pincer la corde.
Le son du clavecin est produit grâce au sautereau, une petite tige en bois avec un bec en plume, qui vient pincer la corde.
© Radio France

Est-ce possible d’apporter de la nuance dans le jeu au clavecin ?

Bien évidemment ! On entend souvent dire que le clavecin est un instrument inexpressif, absolument incapable de toute nuance. Je milite absolument contre cette idée reçue. Évidemment, la marge de dynamique [= la nuance, ndlr] n'est pas du tout celle d'un piano moderne. Au clavecin, la marge est plus restreinte, beaucoup plus intime. Ce qu’on fait pour ça, c’est qu’on travaille sur l'émission réelle du son, donc la vitesse d'attaque et sur la manière de les amener dans le discours musical. Cela va être plus ou moins tôt, plus ou moins tard, de manière quasiment imperceptible. C'est ça qui amène de la souplesse, de la rondeur et de la musicalité au clavecin.

Le répertoire du clavecin, c’est uniquement la musique baroque ?

C'est un instrument qui a 500 ans d'histoire et c’est au XVIIe et au XVIIIe siècle que le clavecin connaît son âge d’or. Un des premiers compositeurs très importants dans l’histoire de l’instrument, c'est Frescobaldi. Puis, par ordre chronologique, il y a Purcell, Haendel, Scarlatti, Bach, Rameau, ou encore Couperin. Ensuite, le piano forte est arrivé et les compositeurs l’ont alors préféré au clavecin. Mais il connaît un deuxième âge d’or à l’époque contemporaine. Dès les années 1920-1930, des compositeurs ont de nouveau écrit pour cet instrument, comme Francis Poulenc.

Pourquoi les clavecins sont-ils autant décorés ?

C'est vrai que quand on imagine un clavecin, on imagine un grand salon baroque plein de dorures, avec au milieu un clavecin extrêmement décoré. En fait, ces clavecins-là étaient les clavecins commandés par des familles très aisées, souvent nobles à l'époque. Alors que certains musiciens, moins fortunés, avaient des clavecins avec une décoration beaucoup plus sommaire. En fait, c'était avant tout une question de moyens, puisque chaque décoration supplémentaire avait un coût. Mais ce n'est pas parce qu'un clavecin est très richement décoré qu'il va forcément mieux sonner qu'un clavecin plus sobre.

Il est possible de jouer les deux claviers du clavecin en même temps en actionnant un système mécanique coulissant.
Il est possible de jouer les deux claviers du clavecin en même temps en actionnant un système mécanique coulissant.
© Radio France

Est-ce qu’il existe encore beaucoup de clavecins d’époque ?

On me demande souvent si le clavecin que je joue est d'époque ou non. Il nous reste en effet des clavecins du XVIe, du XVIIe ou du XVIIIe siècle. Il y en a peut-être un millier dans le monde en tout, donc il n'y en a pas tant que ça. Mais il y a aujourd'hui des artisans qui fabriquent des clavecins. Ce sont des facteurs de clavecins qui retrouvent les méthodes de fabrication de l'époque pour construire aujourd'hui - avec des bois récents ou plus ou moins vieux - des clavecins comme à l'époque.

Qu’est-ce que vous aimez dans la pratique du clavecin ?

Jouer du clavecin, c'est pour moi une sensation assez intime. Je joue aussi du piano, mais c'est vrai que je n'ai pas ce même plaisir. Ce qui est assez incroyable au clavecin, c'est qu'on sent ce bec qui vient pincer la corde. On le sent vraiment plier sous la corde. Finalement, il y a un rapport extrêmement intime avec le clavecin et je trouve que c'est l’un des instruments à clavier où on a vraiment ce rapport concret à l'émission du son. C'est un instrument qui a une chaleur, une intimité, une souplesse et une sensualité dont je suis convaincu et que j'essaye vraiment de transmettre pendant mes concerts.

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