Gérald Darmanin annonce « la fin du droit du sol » à Mayotte, département le plus jeune et le plus pauvre de France… Efficace ou illusoire ?
Pour ce qui est de l’effet psychologique, c’est réussi ! Le ministre descend d’avion, foule le sol mahorais et dévoile aussitôt son plan, qui est aussi son propre « Wuambushu » politique ! Mot qui signifie « reprise en main » en mahorais…
Car Gérald Darmanin sort d’une très mauvaise passe, d'une série noire depuis l’automne. Il n’a pas eu Matignon, ça s’est mal passé sur la loi immigration, la délinquance est en hausse, l’organisation des JO est un casse-tête, les négocations sur l'autonomie corse s'enlisent...
Pour un ministre de l'Intérieur affaibli, Mayotte est l’occasion de frapper un grand coup !
Frapper les esprits, mais est-ce réaliste ?
La logique, c’est de dissuader les arrivées dans une île saturée, tarir les flux en provenance des Comores, mais aussi de Madagascar et d’Afrique.
On l’oublie, mais depuis 2018, Mayotte a déjà un droit du sol sur mesure. Un enfant né à Mamoudzou n’est Français que si l’un des parents est en situation régulière depuis au moins trois mois.
Délai qui devait passer à un an… Finalement, Gérald Darmanin saute cette étape et pousse le curseur au maximum : à Mayotte, on ne sera plus français sans un parent français. Mais pour ça, il faut permettre l'exception dans la République indivisible, et donc réviser la Constitution.
Le dire ne suffit pas, il faudra le voter…
Et sur ce point, passé l’effet psychologique, gare à l’effet déceptif… Car l’Elysée n’a aucun calendrier à nous fournir. Quand ? Quel texte ? Quelle majorité pour voter conforme dans les deux chambres avant les 3/5ème en Congrès à Versailles ? C’est une page blanche, et encore une brèche politique qui s’ouvre…
Qu’entendez-vous par « brèche » ?
Seul Mayotte doit déroger au droit du sol ! Mais à partir du moment où vous créez une exception, dans l’un des 101 départements français, pourquoi s'arrêter là ?
C’est comme si le mauvais feuilleton de la loi immigration n’avait pas servi de leçon… Il y aura toujours une Mme "+", Marine Le Pen, un Mr "+"+, Eric Zemmour, et une droite "+++" pour courir derrière : Eric Ciotti a déjà réagi pour réclamer le droit du sang partout ! Accessoirement, Emmanuel Macron est-il prêt, cette fois-ci, à s'appuyer sur le RN, à compter ses voix, pour faire passer la révision ?
Car Mayotte est un laboratoire politique de 2027…
Là-bas aussi, il faut montrer le « réarmement » et l'« l’autorité » rétablie, pour discréditer les théories apocalyptiques d’une « submersion migratoire ». Vous noterez les mots utilisés : les kwasa-kwasa, ces embarcations de passeurs, se cogneront au « rideau de fer » ! Pas celui de la guerre froide, mais maritime celui-là, dans les 70 kilomètres qui séparent la France des Comores.
Tout le monde est d’accord pour dire que vivre à Mayotte est devenu un enfer… Mais un enfer qui reste 10 fois plus riche, 10 fois plus enviable, que les îles voisines. La fin du droit du sol dissuadera-t-elle les traversées ? Et cassera-t-elle les liens de solidarités, intergénérationnels, tissés de part et d'autre ?
Comme le dit Didier Leschi, le directeur de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, Mayotte est d’abord l’histoire d’une « décolonisation ratée », quand, il y a 50 ans, nos dirigeants politiques ont oublié le poids de la géographie.
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