Déchiffrage et transmission : ce qui ne m’a pas été transmis

Comment déchiffrer ce que je transmets et ce que je reçois ? ©Getty
Comment déchiffrer ce que je transmets et ce que je reçois ? ©Getty
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Comment savoir ce que j’ai reçu de mes parents, de mes maîtres, de mes amis ou camarades avec pour seul recours de rares indices auxquels je ne peux accéder qu’en déchiffrant ce que j’appellerai la « vie psychique » ?

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Qu’il s’agisse de Kafka dans sa Lettre au père ou de Balzac dans le Père Goriot, les plus grands auteurs, comme la plupart des analysants, interroge les ratés de la transmission de l’héritage, qu’il s’agisse d’Histoire, d’appartenance ou de valeurs morales ou financières. Jean Pierre Winter évoque le maître du déchiffrage auquel Freud ne manqua pas de se référer : Champollion ! Car Freud, considérant les rêves comme un rébus, s’était inspiré de la méthode de Champollion pour les décrypter comme s’il s’agissait de hiéroglyphes. La question de la transmission consiste à se demander : « mais que m’a-t-on transmis ? Et qui ? » A un certain moment, la question s’est même retournée : « Que ne m’a-t-on pas transmis ? Ai-je eu affaire à une véritable transmission, et de quoi ? Ou à une transmission que je dirais blessée ? Et si elle a été blessée, par quoi ? ». La question de la transmission familiale se pose d’emblée du côté de la blessure. Ou du côté de l’absence. Ou du côté du manque.

Freud soutient que la véritable transmission est indépendante de notre volonté et qu’elle ne suit pas forcément l’ordre des générations. Ce qui se transmet, se transmet à notre insu. Et il conclut que la transmission se fait « de surmoi à surmoi ». Le surmoi d’une grand-mère peut transmettre l’essentiel de ses exigences au surmoi particulièrement sévère d’un analysant, à l’insu des deux protagonistes. Deux précisions sont ici à souligner : d’une part, ça peut passer de surmoi à surmoi en sautant une génération ; d’autre part, le surmoi est en grande partie inconscient puisant dans les histoires singulières mais aussi dans les mythes qui leur offrent une forme épique et collective. Le fait est que nous ne savons donc pas ce que nous transmettons. L’expérience incite même à aller plus loin : les parents qui s’obstinent à vouloir transmettre ce qu’ils « savent », ce qu’ils veulent obstinément transmettre, non seulement négligent le fait que ce qui se transmettra ne sera pas ce qu’ils auraient souhaité, mais trop souvent leur insistance fermera pour l’enfant la possibilité de se transmettre à lui-même ce qu’il peut accepter, ou pas, de ce qui lui revient du plus lointain passé. Goethe, le grand poète allemand, cité par Freud, écrivait : « Ce que tes aïeux t’ont laissé en héritage, si tu veux le posséder, gagne-le ». Autrement dit la transmission est aussi affaire de reconquête active jusque dans un possible refus et pas seulement de réception passive.

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