Rithy Panh, réalisateur, producteur, scénariste, monteur et écrivain franco-cambodgien est l'invité du 7h50 pour son film "Rendez-vous avec Pol Pot" en salles le 5 juin. Depuis 30 ans, il raconte la folie meurtrière du régime Khmers Rouge dans les années 70.
Il a été ovationné au festival de Cannes pour son film "Rendez-vous avec Pol Pot", présenté dans la sélection Cannes Première. Rithy Panh met en scène trois journalistes invités à visiter en 1978, sous très haute surveillance, le Kampuchéa démocratique et même à rencontrer le dictateur Pol Pot, le frère numéro un. "C'est plus intéressant de faire le film sur la dictature que sur les dictateurs", assure le cinéaste. "Je souhaite plutôt travailler sur l'idéologie, sur la façon de la manipulation", dit-il.
Pour éviter de montrer tout Rithy Panh utilise des petites statues en terre cuite qui incarnent certaines scènes, par exemple, qui montrent un charnier, qui montrent aussi des échanges entre les protagonistes. "C'est difficile pour ceux qui ont vécu directement les tragédies, d'en parler et montrer, mettre en scène", explique le cinéaste. "C'est pour me donner une distance", dit-il. "C'est difficile pour moi de filmer, de mettre en scène la mort ou la famine. Et avec la figurine, ce qui est bien, c'est qu'on l'a fait avec du glaise, comme on jouait avec des petits jouets quand on était enfant, et après elle a une âme, on la filme, après elle revient à la terre, comme nous. Dans ce cycle de poussière", explique Rithy Panh. "Cette distance donne au spectateur une manière d'imaginer l'inimaginable", selon lui.
"On a besoin de recul, d'analyse"
On voit dans le film la manière dont l'endoctrinement a fonctionné sous les Khmers Rouge et sous Pol Pot. Il y a cette phrase terrible : "le peuple est au pouvoir et le peuple veut du sang". "Le projet a duré depuis dix ans", raconte Rithy Pahn qui explique avoir réécrit plusieurs fois le film en fonction des évolutions du monde.
Le cinéaste dénonce "la dictature de l'émotion" dans l'actualité et notamment sur les réseaux sociaux. "On ne nous donne plus la distance", selon lui. "Et on limite de plus en plus le travail du journalisme. On a besoin de recul, d'analyse. Et là, on est toujours sur l'instant, et finalement, l'information efface l'information", analyse Rithy Panh.
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