Campagne des européennes : qu’aura-t-elle dit du pays, du débat politique et de l’état de l’opinion ?
L’hypothèse émise par Emmanuel Macron de l’envoi éventuel de troupes en Ukraine et l’ambiguïté stratégique qu’il a voulu installer par rapport à la Russie ont fait polémique. Par ricochet, l’opportunité d’une défense européenne plus poussée a été discutée. Mais ce printemps, ce ne sont pas ces thématiques qui ont dominé.
Jamais en fait globalement la campagne ne s’est européanisée. Aucune proposition en la matière d’aucune liste que ce soit ne s’est imposée. Cet état de fait est notamment dû à un changement de pied. En ne faisant plus de la sortie de l’Union européenne ou de l’euro un de ses combats, le Rassemblement national a enlevé à la campagne une dimension extérieure et à ses adversaires un argument majeur.
Et donc de quoi a-t-on parlé ?
Selon toutes les enquêtes réalisées ces dernières semaines, c’est une très grosse moitié de Français qui arrêteront leur vote dimanche en fonction des questions nationales. Aujourd’hui, le pouvoir d’achat est de très loin leur première préoccupation. C’est donc d’abord ce qui a dominé principalement cette campagne. Les confrontations télé entre les têtes de liste en ont été une bonne illustration : ça y a été quasiment à chaque fois le premier thème abordé. Et comme, ce n’est pas de l’Europe mais du gouvernement que les Français attendent des réponses sur ce dossier, ça a contribué à nationaliser la campagne.
Ensuite, on aura également beaucoup parlé d’immigration. C’est désormais la deuxième préoccupation des Français selon les sondages, où cette thématique a été en hausse constante ce printemps. Dans cette campagne sur cet enjeu, il y aura eu ceux qui estiment que tout reste à faire. C’est le RN, LR, Reconquête. Et ceux qui ont voulu montrer qu’avec le pacte asile-migration, un grand pas avait été fait. C’est la majorité présidentielle.
Enfin sur ce fond de décor se sont greffés des sujets d’actualité qui ont marqué les Français : les émeutes en Nouvelle-Calédonie, l’évasion du narcotrafiquant Mohamed Amra, les conséquences intérieures du conflit israélo-palestinien, l’ultraviolence de mineurs…Spectaculaires, tous ces faits ont éclipsé le combat électoral. Anxiogènes, ils ont renvoyé à une même question : la cohésion nationale.
Et quelles conclusions peut-on tirer de cette photographie ?
Un : cette campagne aura révélé un repli sur soi du pays. Il y a cinq ans, à la veille du précédent scrutin européen, l’institut de sondages Ipsos avait demandé aux Français quel sujet compterait le plus pour eux au moment de voter. La place de la France dans le monde figurait en troisième position avec 35% des suffrages. Cinq ans plus tard, ce critère n’est plus qu’à la huitième, avec 15% des voix.
Deux : cette campagne aura montré de la colère. Seule élection nationale du quinquennat, ces européennes vont visiblement d’abord servir pour une bonne partie des Français à donner leur sentiment sur le septennat d’Emmanuel Macron. Toute la question est désormais de savoir si elles auront été une soupape suffisante ou bien si nous sommes à la veille d’une forte tempête.
L'équipe
- Ludovic VigogneProduction