Cette Provence qui m’est si chère et qui me rappelle tant mon Italie natale, possède aussi un charme unique pour un dépaysement total : ses traditions vivantes, un garde-manger à ciel ouvert et un territoire d'expression naturel pour toutes les cuisines de la Méditerranée....
Aujourd’hui je ne peux plus me passer de cette terre à la symbolique très forte, de la nature hostile autant que nourricière dans laquelle toute la beauté sauvage de ses paysages est aussi frappante que son soleil. Et quand on se retrouve à ne pas pouvoir choisir entre la France et l’Italie, la meilleure solution est la Provence.
J'ai découvert le sud, il y a presque 40 ans … c’était dans le village de Coudoux, à 20 km d’Aix en Provence et c’est là que mon histoire d’amour avec la cuisine provençale a commencé, au cœur d’une Provence d’antan qui paraissait intacte, comme une crèche vivante avec tous ses santons.
Mes charmants voisins, dont la moitié avec un nom à consonance italienne, m’ont allégrement accueillie à coups d’olives cassées, de tapenade, de tellines en persillade et de limaçons … vous savez, ces minuscules escargots blancs agglutinés en haut des plants de fenouil … On les ramassait tous ensemble dans la colline, le long du canal de Marseille et on les faisait cuire dans une grande marmite d’eau, parfumée de fenouil sauvage, feuilles de laurier, écorce d’orange, piment et poivre. On appelle cette ancienne préparation « à la suçarelle ».
En fait, pour les déguster à l’apéro, on doit sucer la coquille et aspirer directement l’escargot par l’orifice avec un peu de jus de cuisson et avec le bruit qui va avec, bien sûr !
Vous ne pouvez pas imaginer à quelle vitesse ils étaient dévorés mais vous pouvez, par contre, imaginer par quel liquide anisé ils étaient accompagnés !
Et après les limaçons, on enchainait avec tomates farcies, tian de légumes et sardines grillées qu’on mangeait avec les doigts : tout sentait l’ail et les herbes sauvages et tout était prétexte pour se retrouver autour d’une cuisine parfumée, exubérante, chaleureuse, bruyante et festive, qui se dégustait aussi bien sous les canisses qu’au cabanon, à l’ombre des pins ou en plein cagnard !
Mais c’est quand j’ai commencé à plonger dans la littérature gourmande, comme le classique et incontournable Reboul ; « La cuisine du Comté de Nice » de Jacques Médecin – où quand même tout n’est pas bon à prendre - et l’un des premiers écrits de Gui Gedda, « La table d’un provençal », que j’ai vraiment réalisé comment la cuisine provençale était autant marquée par une grande proximité avec la cuisine italienne, plus qu’avec celle du reste de la France.
Le Pays niçois, que Gui a joyeusement intégré dans sa Provence pour qu’elle s’approche encore plus de l’Italie, est la caisse de résonnance d’une cuisine où le métissage avec la Ligurie et le Piémont voisins, mais aussi avec d’autres régions plus éloignées, a laissé des traces et pas des moindres : le pistou et l’italien pesto, la socca et la farinata, la panisse et la panissa, l’anchoïade et la bagna cauda, la brandade et le brandacujun ….
Et on voit bien qu’il n’y a presque plus de frontières géographiques face à la tradition culinaire.
J'ai cuisiné une recette qui a passé plusieurs frontières ! C’est une recette qu’on retrouve aussi au Maghreb, au Portugal et en Espagne et voilà, encore une fois, que nous retrouvons cette Méditerranée omniprésente : c’est l’escabèche de sardines à la provençale, d’après la recette de Gui Gedda, bien sûr, de loin celle que je préfère. « A l’escabèche » indique la façon de mariner des aliments dans l’huile et le vinaigre après cuisson. Ici, j’ai préparé des sardines mais on peut aussi prendre des anchois, du maquereau, des légumes …
C’est une recette simple, très goûteuse et peu onéreuse.
RECETTE Escabèche de sardines à la provençale
Elle est tirée du livre Une vie frottée d'ail, la cuisine d'hier et de demain de Gui Gedda avec Mayalen Zubillaga Editions de l'Epure
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