« Herbier de prison » de Rosa Luxembourg

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Cette semaine, Donald Trump a été reconnu coupable de 34 chefs d'accusation par un tribunal pénal et pourtant, il a plus de chances d'être à nouveau élu Président des Etats-Unis que d'aller en prison. Une actualité qui a conduit Juliette Arnaud à lire l'« Herbier de prison » de Rosa Luxembourg.

Oui, parce qu’elle, elle est allée en prison. Elle est où la justice ? Nulle part. Elle est où la police ? Partout. Pardon de citer Victor Hugo. On a le droit encore ou c’est comment ? Pourquoi a-t-elle été emprisonnée de 1915 à 1918 ? Comme Jaurès, elle était pacifiste, contre la guerre en 1914, mais elle s’en est mieux sortie que lui : il est assassiné, elle est mise à pied temporairement… . Non, elle est emprisonnée.

Ce livre, c’est une partie de son herbier qu’elle a continué à fabriquer en prison, avec une soixantaine de lettres envoyées notamment à ses amies qui lui faisaient parvenir des fleurs, des plantes, séchées entre deux feuillets de lettre. La censure militaire se souciait peu des fleurs. C’était une erreur : de ces végétaux déshydratés s’évapore (encore maintenant) une vapeur de rébellion. Rosa ne cesse d’exhorter ses amies à vivre quoiqu’il, à aimer vivre, à lire, à regarder la vie, malgré la guerre et la répression politique.

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Pour autant, ce n’est pas du tout un manuel de développement personnel, Rosa avait ses jours sans. Totalement au hasard, un exemple : « Aujourd’hui c’est à nouveau dimanche, le jour le plus mortel pour les prisonniers, et ceux qui sont seuls ». Rosa Luxemburg, on sait d’elle plus ou moins vaguement qu’elle était une militante, une théoricienne marxiste d’origine juive polonaise, cofondatrice du parti communiste allemand, parlait au moins 5 langues, j’ai appris qu’avant la politique elle étudiait la botanique, la zoologie, les sciences dites naturelles. Elle écrit : « J’étais faite au fond pour garder les oies, et si je virevolte dans le tourbillon de l’histoire, c’est par erreur ». Herboriser, c’est se permettre de faire disparaitre « le monde, le parti et le travail ».

« Parfois j’ai le sentiment de ne pas être un véritable être humain, mais un oiseau ou quelque autre animal qui a pris malencontreusement forme humaine… au fond je me sens bien plus chez moi dans un bout de jardin que dans un congrès du Parti ». On lit une femme soucieuse des autres, de ses correspondantes mais aussi des oiseaux qui nichent dans la cour de la prison, des insectes, les plantes, de sa chatte Mimi laissée chez une amie.

Bien avant que qu’il y ait urgence climatique, Rosa a un sentiment politique de la nature. Qu’elle a étudiée, qu’elle continue d’observer, et lorsque le froid moral la saisit, qu’elle se sent comme un bourdon gelé, elle se rappelle : « Je me suis toujours donné pour tâche près d’un de ses insectes gelés de lui insuffler avec la bouche la chaleur de la vie ». Cette chaleur est encore là, et qui n’a pas besoin d’être réchauffé ?

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