Festin préhistorique et évolution

Un groupe d'homo sapiens autour d'un feu ©AFP - PrismaArchivo/Leemage
Un groupe d'homo sapiens autour d'un feu ©AFP - PrismaArchivo/Leemage
Un groupe d'homo sapiens autour d'un feu ©AFP - PrismaArchivo/Leemage
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Notre alimentation n'a cessé d'évoluer et nous aussi ! Au fil des millions d'années, l'Homme a varié son alimentation selon les climats et les différents environnements dans lesquels il vivait et chassait.

"Les cuisines de la préhistoire"

Deux documentaires signés Charles-Antoine de Rouvre proposent de nous rendre dans les cuisines de nos ancêtres, les chasseurs-cueilleurs et les agriculteurs. Ils sont disponibles jusqu'au 23 juillet 2024 sur  Arte. C'est l'occasion d'analyser le régime alimentaire des Sapiens et l'impact de cette alimentation sur leur morphologie.

Delphine Vettese est archéozoologue et s'intéresse aux comportements de subsistance et techniques des hommes préhistoriques, par le biais de l’étude des matières dures d’origine animale. Elle participe à une campagne de fouilles sur l’abri du Maras, un site occupé par l’homme de Neandertal à une époque comprise entre - 90 000 et - 42 000 ans.

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L’analyse des restes fossiles d’animaux a permis d’identifier les espèces chassées – majoritairement des rennes, mais aussi des cerfs et des chevaux –, ainsi que les techniques utilisées alors pour découper la viande et extraire la moelle des os. Pour sa thèse, Delphine Vetesse " a fait fracturer lors d’une expérimentation des os, et cela sur un mode intuitif pour comprendre les techniques de boucherie. Lors de cette expérimentation avec 35 personnes, 400 os environ, 1 tonne 5 d’os de vaches adultes ont été fracturés avec des galets ! Et le but est de récupérer le jaune dans les cylindres des os longs, cette moelle osseuse, ce gras dont les hommes de Néandertal étaient friand. C'est ce qu'on appelle de la science expérimentale".

Alain Froment est anthropologue biologiste, les squelettes préhistoriques sont pour lui des témoins de l' alimentation donc de la santé de notre espèce. Il  analyse les différences anatomiques entre chasseurs-cueilleurs et éleveurs-agriculteurs. " Manger, c’est une relation vitale à notre environnement, on « mange » notre environnement, on se nourrit grâce à notre environnement et  selon l’environnement .  et les os, qui ont traversé les temps, sont des archives précieuses qui racontent les hommes, leur alimentation, leurs activités, leurs maladies.

Aîtor Alfonso est journaliste culinaire et auteur de la BD "La faim de l’histoire, une histoire du monde par la gastronomie" (chez Dargaud) dessinée par Jul. Il nous raconte l'alimentation des Sapiens, qui n'étaient pas que des "viandards", mais qui "mangeaient" son environnement végétal et animal ou Darwin et son appétit explorateur, qui, pas fine bouche, dégustait, goûtait  et mangeait ce qu'il chassait.

Grand bien vous fasse !
51 min

La faim de l'histoire

Pendant plus de 3 millions d'années, nos ancêtres chasseurs-cueilleurs ont prélevé directement dans la nature ce qui était nécessaire à leur alimentation. Et puis, il y a 10 000 ans, les sociétés humaines ont commencé à cultiver des céréales, des légumineuses, d'autres plantes et à domestiquer les animaux, leur permettant d'accéder plus facilement à la viande et au lait. Avec le développement de la poterie, de nouvelles façons de stocker, de transformer, de conserver des aliments, le régime alimentaire évolue radicalement, entraînant des changements majeurs sur la morphologie, la physiologie et la cognition humaines. Bienvenue dans les cuisines de la Préhistoire pour comprendre quel rôle a joué l'alimentation dans l'évolution de nos ancêtres et de nous-mêmes.

Avec le développement de la poterie, de nouvelles façons de stocker, de transformer, de conserver des aliments, le régime alimentaire évolue radicalement, entraînant des changements majeurs sur la morphologie, la physiologie et la cognition humaine. À partir du régime de Sapiens, il y a 20 000 ans se joue tout particulièrement une diversification fondamentale de l'alimentation, lors du passage entre le Paléolithique et le Néolithique, avec le passage d'une société pré-agricole à une société agricole. C'est à cette époque-là, selon Aîtor Alfonso, qu'on entre "dans une forme de contemporanéité, dans le rapport à l'alimentation et notre façon de vivre en général."

Bienvenue dans les cuisines de la Préhistoire pour comprendre quel rôle a joué l'alimentation dans l'évolution de nos ancêtres et de nous-mêmes.

Les ingrédients scientifiques de l'archéologie culinaire

L'archéozoologue Delphine explique que pour étudier scientifiquement la question de l'alimentation de nos ancêtres, les pièces à conviction qui permettent de retracer les cuisines de l'époque sont tous les restes d'ossements de dents d'humains préhistoriques "afin de pouvoir y relever des marques, identifier d'éventuelles pratiques de boucherie, les choix qu'ils ont faits à la fois en matière de chasse, mais aussi en matière de sélection des animaux. À savoir que les pratiques bouchères sont signalées par la présence de moelle, de gras dans les os". En effet, le gras était une denrée rare à l'époque et grâce à sa consommation, nous avons développé la capacité de stocker l'énergie sous forme de lipides !

Les dents et les restes fossiles de mammouths sont un témoignage précieux, car "certaines stries matérialisent des marques de découpe sur les ossements de mammouths dont on se demande si c'est dû à la chasse ou bien au charognage. Et sur les dents, les stries d'usure permettent de relever quel régime alimentaire un humain préhistorique adoptait." Delphine, V a travaillé sur une expérimentation grandeur nature avec des centaines d'os fracturés à la façon de Néandertal pour aller y débusquer de potentiels régimes alimentaires préhistoriques.

Le médecin anthropologue biogiste Alain Froment évoque des méthodes d'investigation plus sophistiquées, qui permettent d'analyser les os et de connaître le profil alimentaire des restes de Sapiens : "Comme la biologie moléculaire, avec l'étude du tartre dentaire et du microbiote intestinal dans lequel se trouve de l'ADN de restes alimentaires. Le caca fossile est le trésor de l'archéologue puisqu'il enregistre des digestions."

L'alimentation motrice de l'évolution humaine

Lorsqu'on se demande comment l'alimentation a évolué entre notre passé de chasseur-cueilleur et celui de sédentaire au néolithique, il est plus juste de se demander en réalité comment nous autres humains avons évolué en fonction de nos régimes alimentaires préhistoriques. Parmi cette évolution majeure, le feu et la consommation de viande tiennent un rôle majeur.

Le feu et la consommation de viande ont déterminé notre évolution humaine

D'après Alain Froment, c'est par ces deux variables qu'il n'est pas juste de dire que l'aliment est un sous-produit de l'évolution humaine, car c'est l'inverse. Comme le montre la découverte du feu qui a complètement bouleversé la physiologie : "Les plus anciens indices remontent à il y a un million d'années, mais pas partout. Avec la cuisson des nutriments, ils deviennent beaucoup plus assimilables et on est à l'époque où le cerveau, avec l'hominisation, grandit beaucoup, il va tripler de volume en 3 millions d'années. Et le fait d'avoir découvert le feu et de cuire ses aliments a certainement été déterminant dans la croissance du cerveau."

De même, la densité calorique dans la viande de par la cuisson, a un effet direct sur notre cerveau : "Encore une fois, cela montre que l'alimentation a gouverné l'évolution humaine, et n'en a pas seulement été la conséquence. Sur l'évolution du cerveau, l'apport calorique a été essentiel parce que le cerveau représente à peu près 20 % du métabolisme de repos. Notre cerveau est devenu de plus en plus gourmand en énergie et s'est trouvé bien d'avoir une disponibilité d'énergie dans la nourriture qui n'existait pas avant qu'il n'existe aucun autre animal. Les protéines animales se sont révélées plus avantageuses et riches en acides aminés là où chez les végétaux, elles sont plus en ordre dispersé."

La suite à écouter...

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