Le 6 février, date symbolique dans la mémoire de l'extrême droite française

Le 6 février 1934, des milliers de personnes manifestent place de la Concorde à Paris contre le gouvernement Daladier
Le 6 février 1934, des milliers de personnes manifestent place de la Concorde à Paris contre le gouvernement Daladier
Le 6 février, date symbolique dans la mémoire de l'extrême droite française
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Le 6 février, date symbolique dans la mémoire de l'extrême droite française

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Le 6 février 1934 est une date majeure de l'entre-deux-guerres française avec la violente manifestation des ligues à Paris. Pourtant, d'autres événements importants ont eu lieu un 6 février, en 1945 et 1956. À tel point que cette date est devenue un symbole pour l'extrême droite française.

Pourquoi le 6 février est une date importante pour l’extrême droite ? En fait, trois événements marquants ont eu lieu un 6 février. Le  6 février 1934, tout d’abord, lorsqu’une manifestation des ligues d’extrême droite vire à l’émeute au cœur de Paris.

Ce jour-là, plusieurs cortèges se retrouvent place de la Concorde et rive gauche pour protester contre l’investiture d’ Edouard Daladier à la présidence du Conseil et clamer leur hostilité au parlementarisme.

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Parmi les manifestants, les ligues d’extrême droite, divers groupes nationalistes, anti-républicains, monarchistes, qui regroupent notamment des anciens combattants de la  Première Guerre mondiale.

Par exemple, l’Action française, les  Croix-de-Feux ou les Camelots du roi.

La France est alors durement touchée par la crise de 1929. La IIIe République connaît une forte instabilité, marquée par plusieurs scandales politico-financiers, comme l'affaire Stavisky.

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La manifestation tourne au chaos. Et certains manifestants veulent envahir le Palais Bourbon, siège de  l'Assemblée nationale. Bilan, 19 morts, dont un policier et plus de 1 500 blessés.

Les historiens estiment aujourd’hui que le mouvement était trop peu coordonné pour aboutir. Mais à l’époque, beaucoup ont l’impression d’avoir assisté à une tentative de coup d’État. Cette manifestation est un véritable séisme politique. Elle conduit à la constitution d’un gouvernement d’union nationale et donne lieu à un sursaut de la gauche qui va regagner du terrain dans la rue et dans les urnes.

Mais pour les ligues d’extrême droite, le 6 février doit rester un symbole. L'historien Olivier Dard coauteur de Février 34. L’affrontement avec Jean Philippet (Fayard) explique que "c’est l’idée d’une république qui a assassiné, c’est le terme de l’Action française, 'Après les voleurs, les assassins', un certain nombre de militants. Donc il y a effectivement toute une logique de défense des victimes".

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Des "martyrs" de 1934 au "martyr" Brasillach

Le 6 février, hasard de l’histoire, c’est aussi la date de l’exécution de Robert Brasillach, en 1945. Brasillach est un écrivain et journaliste, mais c’est surtout un fervent collaborationniste. Il a notamment été rédacteur en chef du journal antisémite “Je suis partout”.

La veille de son exécution, Brasillach écrit un poème depuis la prison de Fresnes et rend hommage aux victimes de la manifestation. Une manière de s'inscrire dans la lignée de ceux qu'il considère comme des "martyrs" de 1934. Le poème se termine ainsi : “Je pense à vous ce soir, Aux morts de février”.

La mémoire du 6 février s’est estompée avec le temps. Pourtant, aujourd’hui, certains groupuscules continuent à rendre hommage à Robert Brasillach à cette date, au cimetière de Charonne.

Olivier Dard explique que "la figure de Brasillach reste effectivement une figure susceptible d'être encore mobilisée par les jeunes. L'homme est mort jeune, on le sait, mais il a aussi cultivé à travers ses livres, ses récits, "Notre avant-guerre", cette idée de l’importance de la jeunesse."

La journée des tomates en 1956

Un autre 6 février marque l’actualité, en 1956, en pleine  Guerre d’Algérie. C’est la fameuse “journée des tomates”. Le président socialiste du Conseil, Guy Mollet, est en tournée à Alger lorsqu’il est violemment pris à partie par les partisans de l’Algérie française.

Ces manifestants lui reprochent d’avoir nommé le général Catroux, un homme réputé peu sensible aux intérêts des colons européens. Face à la fronde et aux tomates reçues, Guy Mollet est exfiltré et doit renoncer à nommer le général Catroux.

Pour Olivier Dard, "ce 6 février 1956 est important aussi, car il va donner à ces activistes d’Alger le sentiment qu’ils peuvent faire plier Paris. Et on va retrouver ce sentiment en mai 1958, le 13 mai [ndlr : date du putsch d'Alger]. Et ce 13 mai 1958 a inspiré une réflexion à Pierre Taittinger, l'ancien patron des Jeunesses patriotes du 6 février 1934. Il fait un parallèle entre le 13 mai 1958 et le 6 février 1934 en expliquant qu'ils auraient pu réussir le 6 février ce qui a été réussi le 13 mai 1958.

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