Les vestiges du Débarquement menacés par le changement climatique

La Pointe du Hoc conquise par les Rangers le 6 juin 1944. Sa falaise est menacée par l'érosion ©Radio France - Béatrice Dugué
La Pointe du Hoc conquise par les Rangers le 6 juin 1944. Sa falaise est menacée par l'érosion ©Radio France - Béatrice Dugué
La Pointe du Hoc conquise par les Rangers le 6 juin 1944. Sa falaise est menacée par l'érosion ©Radio France - Béatrice Dugué
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Bientôt les 80 ans du DDAY, 80 anniversaire du débarquement des Alliés sur les plages de Normandie, dont la physionomie change irrémédiablement. Ces 100 kilomètres de côtes sont eux aussi victimes de l’érosion et du changement climatique. Au point que les sites historiques sont menacés.

Le port artificiel d’Arromanches par exemple - construit par les Britanniques en 1944 - disparait dans la Manche. Les plages s’amenuisent, les blockhaus au sommet des falaises menacent de basculer.

Comme toujours ce jour là, le vent balaie la Pointe du Hoc, entre Omaha et Utah Beach. 135 rangers ont donné leurs vies le 6 juin 44, pour prendre cette falaise d’assaut et y détruire la batterie allemande. Des milliers de touristes français et étrangers visitent le site ces jours ci. Un site inexorablement rongé par les éléments - malgré les brise-lames et malgré les capteurs sismiques qui surveillent la falaise - reconnait Scott Desjardins le superintendant du cimetière américain de Colleville, "Sur des photos anciennes, on voit la petite dent qui est à la pointe moins abîmée. On a perdu un bon 20 mètres depuis que les Rangers sont arrivés ici".

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"Il va tomber"

Plus à l’est : la batterie de Longues sur Mer - plus précisément les yeux, le poste de commandement de la batterie, c’est là que Régis Leymarie nous a donné rendez-vous. "Ce blockhaus est stratégique", explique le directeur adjoint au conservatoire du littoral. "Il est face à l'Angleterre et dans un jalonnement de batteries sur toute la côté du Calvados. Il va tomber. Ce qu'on a sous les yeux , devant la batterie, était accessible au public, il y a encore 3 ans". Maintenant c'est dangereux ajoute t-il.

Le blockhaus est dans la zone d’effondrement. En sursis donc… Les falaises - déjà fragilisées par les bombardements de 1944, subissent l’assaut des vagues. "Le jour où il faudra le fermer au public pour des raisons de sécurité, on le fermera. Et au risque de choquer : ça n'est qu'un blockhaus." Le géographe estime que préserver un ouvrage qui a 84 ans, face à des enjeux collectifs d'aménagement du littoral, de repli stratégique, de relocalisation des activités humaines, c'est peut être plus la priorité du moment.

Les yeux - le poste de commandement de la batterie allemande de Longues sur Mer
Les yeux - le poste de commandement de la batterie allemande de Longues sur Mer
© Radio France - Béatrice Dugué

Consacrer l’argent public à l’action plutôt qu’à l’entière préservation, Hervé et Myriam le comprennent, montpelliérains en visite sur le site. "Ca va demander des sommes d'argent importantes, et je pense que nos gouvernements ont d'autres travaux à faire. Tous les musées, les films incarnent bien les situations historiques, mais le réel c'est important quand même."

Déménager des monuments ?

A défaut de conserver tous les lieux de bataille, comment continuer quand même, à incarner l’histoire ? C'est la question que se pose Lysiane Le Duc Dréan par exemple. Maire de Ver sur Mer, elle voit bien que les plages perdent du sable et qu’elles ne sont déjà plus celles des GI. "Je dis aux gens pour le 6 juin ; marchez et regardez cette armada. On voit exactement où ils étaient, britanniques, américains, français, même allemands. Je pense que la mémoire va aussi se perdre, parce que nous ne pourrons plus visualiser ce qui s'est passé."

A quelques kilomètres de là, même si des épis souples maintiennent la plage, le blockhaus qui délimite la zone de Juno et Gold Beach est condamné. Le maire de Graye-sur-Mer regarde une photo au mur de la salle du conseil municipal. L'ouvrage est dans l'eau. Il y a quelques années, il était encore sur la dune. Peut être faudra t-il déplacer certains vestiges pour Pascal Thiberge. "Il faudra prévoir sans doute dans les plans locaux d'urbanisme futurs, des outils qui permettront de délocaliser des monuments -- des chars, des stèles, des statues - et de pouvoir les mettre dans des sites proches de leur environnement historique".  S’il faut sauver un monument à Graye, ce sera la Croix de Lorraine qui matérialise le retour en France du Général de Gaulle.

"Un défi collectif"

Pas question d’abandonner la Pointe du Hoc pour Scott Desjardins le superintendant du cimetière américain de Colleville, malgré le cout financier. Il faut, dit-il, s’adapter sans cesse pour sauver ce qui peut l’être. "On a eu deux éboulements l'année passée, il ne faut pas se tirer les bras en l'air et dire qu'on ne peut rien faire" lance t-il avec son accent canadien, en joignant le geste à la parole. "La vue qu'on a depuis le monument de la pointe, est importante. A cause des menaces d'effondrement actuelle, il faut prévoir de reculer et de surélever le monument," précise t-il. Au-delà de ces solutions lourdes, Régis Leymarie en est convaincu : la nature nous pousse à réfléchir. "C'est un défi collectif : comment on trouve les moyens de l'interprétation sans les témoins d'un littoral qui a changé, et avec des jeunes générations qui ont peut être une appétence moindre pour l'histoire ?" s'interroge t-il. "Même si la guerre est revenue en Europe", ajoute t-il. "C'est très compliqué !" Faire le deuil des lieux sans faire le deuil de l’histoire, là est la question.

Le port d'Arromanches s'enfonce dans la Manche
Le port d'Arromanches s'enfonce dans la Manche
© Radio France - Béatrice Dugué

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