Les ventes aux enchères attirent de plus en plus le grand public

Les ventes aux enchères se sont démocratisées grâce aux enchères en ligne. ©Getty - Krisanapong Detraphiphat
Les ventes aux enchères se sont démocratisées grâce aux enchères en ligne. ©Getty - Krisanapong Detraphiphat
Les ventes aux enchères se sont démocratisées grâce aux enchères en ligne. ©Getty - Krisanapong Detraphiphat
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Longtemps perçues comme réservées à l'aristocratie ou aux personnes aisées, les ventes aux enchères attirent désormais un public beaucoup plus large. Une démocratisation qu'elles doivent aux émissions de télévision, à l'émergence des ventes en ligne et à l'essor de la pop culture.

Adjugé, vendu ! Alors qu’il représentait 1,7 milliard d’euros il y a vingt ans, le marché de la vente aux enchères en France ne s’est jamais si bien porté : il culmine aujourd’hui à 4,7 milliards d’euros.

Face à cet engouement, le Syndicat des maisons de ventes volontaires organise, jusqu’au 2 juin, les Journées Marteau (17e édition), qui proposent aux particuliers de venir découvrir les hôtels de vente ou encore de faire expertiser leurs objets.

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Car les Français sont de plus en plus nombreux à faire appel aux services des commissaires priseurs. “C’est simple, je n’ai pas le temps d’échanger tellement il y a de monde”, assure  Marc Labarbe. Depuis deux ans, ce commissaire priseur, a lancé l’Expertibus dans la région de Toulouse et se déplace de ville en ville pour permettre aux particuliers de faire appel à son expertise. “Une belle journée, on prend entre 40 et 50 personnes ! L’Expertibus, c’est le moyen pour des gens qui n’osent pas passer le pas de la porte de l’hôtel des ventes, parce qu’ils considèrent que c’est pas leur domaine, que c’est réservé aux initiés, de le faire. La vente aux enchères est ouverte à tout le monde, c’est à chacun de le comprendre, et c’est pour ça qu’on assiste à un retour vers les commissaires-priseurs”.

Marc Labarbe dans son hôtel des ventes du quartier Saint-Aubin, à Toulouse.
Marc Labarbe dans son hôtel des ventes du quartier Saint-Aubin, à Toulouse.
© Radio France - Sébastien Brethenou

Un constat que confirme Quentin Madon, commissaire-priseur à Asnières-sur-Seine, pour la maison de ventes aux enchères Millon. Il organise régulièrement des des journées d’expertise, et constate qu’un nouveau public se déplace : “Je dirais qu'il y a bien 30 % à 40 % de personnes, qui ne sont pas forcément habituées aux enchères, qui viennent. Je le vois parce que j'ai appris un vocabulaire commercial pour leur expliquer comment ça fonctionne, comment ça marche”.

Un nouveau public grâce à la télévision…

D’après les commissaires-priseurs, cet intérêt renouvelé est en partie dû aux émissions télévisées, qui ont mis en avant comme en scène les commissaires priseurs. Depuis 2015, Un trésor dans votre maison, alors sur M6, puis à partir de 2017, Affaire Conclue sur France 2, ont fait naître l’idée, chez tout un chacun, que notre grenier pouvait receler un trésor d’une valeur encore inestimée. Et ce sans même compter sur leurs itérations américaines (Pawn Stars, Storage War, etc.), moins réalistes, mais qui laissent également penser que n’importe quel objet non identifié pourrait bien avoir de la valeur.

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“Il y a eu une démocratisation grâce à ces émissions de télévision successives”, affirme ainsi Marc Labarbe. “Elles ont permis aux gens de comprendre d'abord ce qu'est une expertise, et que pour savoir réellement ce que vaut un objet avant de pouvoir le vendre aux enchères ou à un marchand, eh bien il faut une expertise. La France est un puits sans fond de petits trésors, voire de gros trésors !”

Le commissaire-priseur, qui participe régulièrement à l’émission “Affaire conclue”, en veut pour preuve des objets qu’il a pu expertiser : “Une dame qui est venue me voir du Gers dans les Hautes Pyrénées avec des peintures chinoises qu'elle avait dans un carton à dessin, cinq petites peintures. On lui a fait 242 000 euros !”

“Je pense qu'il y a un peu un mystère qui attire”, confirme Quentin Madon. “On peut se dire que l’on a plus de chances de trouver quelque chose qui vaut plusieurs milliers d'euros chez soi qu’en jouant au loto”. Grâce à ces émissions, l’image du métier s’en est aussi trouvée rafraîchie, poursuit-il : “Par rapport à une époque où on voyait les commissaires priseurs comme une entité un peu abstraite et difficile d’accès, réservée à la bourgeoisie ou à l'aristocratie, grâce à ces nouveaux canaux que sont Internet, la télévision, etc., on a quand même de nouveaux arrivants”.

… et au confinement

Autre raison pour laquelle de nouveaux venus ont commencé à s’intéresser à la vente aux enchères : le confinement, assure Quentin Loiseleur. Pour ce directeur délégué du Conseil des maisons de vente, l'autorité de régulation des ventes aux enchères publiques, c’est “la très forte digitalisation qu'ont connu les ventes aux enchères publiques à l'occasion du Covid”, qui a amené un public différent. “En 2019, on avait à peu près 35 % en valeur des biens qui étaient adjugés en ligne, aujourd'hui, ce sont 75 % des des lots ! Dit autrement, ça signifie que sur 4,7 milliards de ventes en 2023, vous avez 3,2 milliards qui sont adjugés en ligne”.

Selon les données des sites Drouot.com et Interencheres.com, deux des principaux sites de ventes aux enchères en ligne, plus de 55 % des participants ont désormais moins de 40 ans.

La pop-culture, nouveau sujet d’enchères

Avec les ventes en ligne, c’est donc le public des salles de ventes qui s’est renouvelé. Et ces nouveaux acheteurs ont porté l’intérêt sur de nouveaux types d’objets. “On parle beaucoup de l'art ancien, d'objets d'art”, relève Quentin Loiseleur. “Mais ce sont des secteurs qui intéressent peut-être moins ces jeunes acheteurs. Ils se positionnent beaucoup sur la mode, les bijoux, les sneakers, les cartes à collectionner, les bédés ou encore les mangas... Tout cet univers dans lequel ils ont grandi. Et puis il y a aussi, dans cette nouvelle génération, une quête de sens, avec le fait d'avoir des objets recyclés, des objets auxquels on donne une nouvelle vie, sans vouloir acheter du neuf”.

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“On a de nouvelles matières qui sont arrivées dans les maisons de vente aux enchères”, corrobore le commissaire-priseur Quentin Madon. “Il y a pas mal d'objets liés à la pop culture parce que la pop culture va regrouper plein de matières dans l'imaginaire collectif. Ça peut aller du sport aux jeux vidéo ou aux dessins animés qui ont bercé la jeunesse de certains. Il y a tout un camaïeu d'objets en fait de notre quotidien, quand on était plus jeunes, qui sont devenus des objets de collection et qu'on expose comme comme on exposerait un tableau sur une cimaise de Drouot. Maintenant, on fait des expositions de cartes Pokémon, j’en vois.”

De plus en plus de maisons de ventes

Résultat : pour les maisons de ventes, les chiffres sont très positifs. En 2023, 2,5 millions de lots ont été vendus lors de 40 000 ventes aux enchères. "Cela fait une centaine de ventes aux enchères par jour en France", s'enthousiasme Quentin Leloiseur. "Il y a cinq ans, il y avait autour de 400 maisons de ventes, maintenant c'est près de 480 ! Et si on parle de démocratisation, on peut aussi parler de territorialisation, car on a à peu près une maison de ventes dans chaque département français !"

Dernier détail à ajouter au tableau : l'impact de l'inflation sur les demandes, en hausse, d'expertise. Il reste, selon les commissaires priseurs, difficile à estimer. Même si Marc Labarbe, à l'origine de l'Expertibus, n'est pas dupe : "Vous savez, on s'aperçoit aujourd'hui que pour beaucoup de gens, qui n'ont parfois que des revenus très très modestes, de l'ordre de 600 à 800 euros par mois, quand on leur dit 'écoutez, avec quelques bijoux vous allez gagner 3 000 euros", pour eux, c'est un petit miracle".

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