Mal-logement : qui est responsable ?

La chambre d'une résidence étudiante de l'université à Villeneuve-d'Ascq, dont les murs sont complètement piqués d'humidité ©AFP - PHILIPPE HUGUEN
La chambre d'une résidence étudiante de l'université à Villeneuve-d'Ascq, dont les murs sont complètement piqués d'humidité ©AFP - PHILIPPE HUGUEN
La chambre d'une résidence étudiante de l'université à Villeneuve-d'Ascq, dont les murs sont complètement piqués d'humidité ©AFP - PHILIPPE HUGUEN
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Le 1er février, la Fondation Abbé Pierre publiait son 28e rapport sur le mal logement en France, alors que le Sénat examinait la veille une loi « anti-squat », renforçant les procédures d’expulsion. La crise du logement est au cœur du débat, dans un contexte d’inflation, de tension de l’immobilier.

Avec
  • Camille François Sociologue
  • Jean Pinsolle Président de la Chambre des Propriétaires du Grand Paris
  • Christophe Robert Délégué général de la Fondation Abbé Pierre

La Fondation abbé Pierre a rendu hier son rapport annuel sur le logement et a avancé le chiffre de 14,6 millions de Français touchés par la crise du logement. Un constat effarant qui tombe en même temps que le passage en séance au Sénat de la loi dite « anti-squat » qui prévoit d’alourdir les peines pour les squatteurs et qui est accusée de s’attaquer également aux locataires en situations d’impayés.

Or ce rapport et ce débat au Sénat coïncident avec la parution d’un livre de sciences sociales issu de trois ans d’enquêtes sur les politiques d’expulsion de locataires du parc privé comme du parc HLM. Un livre précis, subtil, novateur titré « De gré ou de force », signé Camille François, qui est un de nos invités de ce soir.

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Pour en débattre, Emmanuel Laurentin reçoit Camille François, sociologue ; Jean Pinsolle, président de la Chambre des Propriétaires du Grand Paris ; Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre.

Le mal-logement dans le parc immobilier français

Christophe Robert décrit la réalité désignée par l’expression mal-logement : « on parle de personnes sans-domicile, sans-abri mais aussi de personnes logées dans de mauvaises conditions, dans un logement surpeuplé ou dangereux pour la santé : ça représente environ 4 millions de personnes ». S’il reconnaît que la qualité des logements a augmenté depuis l’appel de l’Abbé Pierre de 1954, il alerte sur « cette poche de population à la rue » qui subsiste alors que « le logement est devenu le premier poste de dépenses des ménages ». D’autre part, « vous avez une propriété immobilière qui n’a jamais été aussi concentrée » explique Camille François , « 3,5% des ménages possèdent plus de 5 logements et représentent 50% des logements en location sur le parc privé ». Pour Jean Pinsolle , il faut garder à l’esprit que la situation du marché immobilier va continuer à se tendre du fait du retrait des logements énergivores non-conformes : « 30% de logements vont progressivement sortir du parc ».

Une loi « anti-squat » critiquée

Pour Jean Pinsolle , la loi visant à protéger les logements contre l’occupation illicite est bienvenue : « la propriété est inscrite dans la Déclaration des droits de l’homme […] et le droit au logement, ajouté ultérieurement, n’a pas la même force ». Le squat, dont on dénombre 5 000 cas par an en France est l’affaire de tous, « propriétaires comme locataires », et cette loi vient affirmer son caractère « antirépublicain ». Christophe Robert , lui, est affligé : « c’est une loi qui fait la guerre aux pauvres et aux mal logés », d’autant plus « qu’on parle de squat de domicile alors que c’est un nombre extrêmement limité de cas ». Camille François poursuit : « dans les faits, la population que la loi va venir affecter, ce sont les locataires » en renforçant les sanctions contre les familles qui ne quitteraient pas leur logement après le passage au tribunal. Il résume : « la seule alternative que propose cette loi, c’est la prison ou la rue ».

Quelles responsabilités et quels responsables ?

« Les procédures d’expulsion sont une des causes structurelles du mal-logement » selon Camille François , qui note leur augmentation de 40% sur ces 10 dernières années. Pour lui, les autorités publiques portent donc une responsabilité dans la situation du mal-logement. Il ajoute qu’aujourd’hui, « le parc social est confronté à une contradiction : des nécessités d’investissement et de rénovation thermique, contrebalancées par des coupes budgétaires  ». C’est le retrait des dépenses de l’État qui fragilise la situation. Jean Pinsolle convient aussi d’une responsabilité des propriétaires : « dans le code civil, le propriétaire a une obligation de délivrance : il doit rendre un logement en parfait état et l’entretenir  ». Ceux-ci doivent tout de même faire face à trois contraintes : la « faisabilité », et donc la disponibilité des entreprises du bâtiment qui manquent en France, le « financement » et la « fiscalité » qui pèse sur les propriétaires à travers l’augmentation de la taxe foncière par exemple.

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