Philosophie : théories de la perception 

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Philosophie : théories de la perception 

Nos sens suffisent-ils à nous faire percevoir le monde ?
Nos sens suffisent-ils à nous faire percevoir le monde ?
© Getty - d3sign

Pourquoi le monde sensible a-t-il inspiré tant de méfiance à la philosophie ? De son mépris par la tradition classique à sa réhabilitation au XXe siècle par Merleau-Ponty, une sélection d'émissions pour retracer le statut philosophique de la perception et comprendre son évolution.

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Théories de la perception, la sélection

Si l’œil ne suffit pas à percevoir le monde, la perception ne communique-t-elle pour autant que des savoirs erronés ?

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Pour les philosophes grecs, qui ont constitué la tradition philosophique occidentale, le sensible apparaît comme un monde changeant, mouvant. Or le savoir, la science, ne peuvent s’atteler à penser que ce qui est stable et fixe. Pour avoir accès à une connaissance rationnelle du monde, il faudrait donc s’arracher à la perception qui ne communiquerait qu’un savoir erroné. Tout commence avec Platon qui, avec le schéma de la ligne ou l’allégorie de la caverne, s’attache à dévaloriser tout ce qui relève de la perception sensible, une dévalorisation du point de vue du savoir, de la connaissance, mais aussi du point de vue de l’être. Pour Platon, le seul "être" est le monde intelligible, le monde des idées.

Par la suite, la philosophie occidentale va continuer à dévaloriser la perception, du point de vue épistémique – nos sens nous trompent, ils nous plongent dans l’illusion – comme du point de vue ontologique : dans la mesure où elle ne nous donne pas accès au monde, la sensibilité n’a que peu d’existence. Jusqu’au XVIIe siècle, la tradition métaphysique occidentale se construit autour d’un paradoxe apparent : ce qui nous semble le plus concret est ce qui a le moins de réalité.

Mais les philosophes vont progressivement réhabiliter la perception, lui donnant droit de cité. Au XVIIe siècle par exemple, Leibniz a montré que la vie de notre conscience était faite du flux et du reflux de petites perceptions, parfois imperceptibles. Jusqu’à ce qu’au XXe siècle, Maurice Merleau-Ponty décide de consacrer son entreprise philosophique à réhabiliter le sensible. C’est-à-dire à redonner à la perception sensible toute sa valeur, toute sa capacité à nous donner accès à la réalité des choses. De sa disqualification par la tradition classique à sa réhabilitation au XXe siècle, cette sélection d'émissions se propose de retracer le statut philosophique de la perception.

  • Platon ou le mépris du sensible
Avec l'allégorie de la Caverne, Platon s'oppose à l'idée que l'expérience sensible puisse nous apporter une vraie connaissance du réel.
Avec l'allégorie de la Caverne, Platon s'oppose à l'idée que l'expérience sensible puisse nous apporter une vraie connaissance du réel.
© Getty - Jordan Siemens

Pour Platon, l'expérience sensible ne peut nous apporter une vraie connaissance du réel. Plus encore, l'opposition ontologique entre le monde des idées et le monde du sensible est au fondement même de sa philosophie. Cette émission revient sur les grands principes qui sous-tendent la philosophie platonicienne, et permettent de comprendre, pourquoi, y compris pour les philosophes qui ne s'en revendiquent pas, reconnaître la nécessité du détour par le monde stable et transparent des idées que s'imposa Platon fait consensus. ( Raison et réalité, les idées avec Platon, 36 min)

  • Descartes : "Prenons pour exemple ce morceau de cire qui vient d'être tiré de la ruche"

Dans ses Méditations métaphysiques, René Descartes (1596-1650), l'un des pères de la philosophie moderne, entreprend de refonder le socle sur lequel le savoir a été édifié. Afin de démontrer que nos sens ne nous donnent jamais une connaissance complète d’un objet, il se livre dans la Deuxième Méditation à une petite expérience. À partir de l’observation de l’effet produit par une flamme sur un morceau de cire, Descartes affirme que pour avoir une connaissance "claire et distincte" de la cire, nous ne pourrons nous appuyer sur notre perception sensible : chacune de ses caractéristiques sensibles – forme, couleur, consistance, odeur, etc. - ayant été modifiée par la source de chaleur. Rien ne demeure à la fin de l’expérience de l'image concrète que nous en donnaient nos sens. Il faudra, par le raisonnement, dégager les éléments invariants, quel que soit l’état de la cire, ou la taille du morceau. ( Les Méditations métaphysiques de Descartes, 51 min)

  • Leibniz : éloge des petites perceptions

Si l'on peut considérer Platon comme le philosophe de la vue et Nietzsche comme celui de l’odorat, le philosophe allemand Leibniz (1646-1716) nous apprend à écouter. Dans la préface aux Nouveaux essais sur l’entendement humain, il développe sa théorie de l’expérience sensible. Prenant l’exemple des vagues de la mer dont nous ne pouvons percevoir le bruit que fait chaque goutte qui les composent, Leibniz affirme que c’est l’addition, l’agrégation de ces petites perceptions, qui, même si nous n’en avons pas une perception "claire et distincte" comme dirait Descartes, nous informent. Pour Leibniz, l’esprit ne se réduit pas à la conscience. Les petites perceptions induisent un changement dans notre conscience, même si on ne les remarque pas… ( Les Chemins de la philosophie, 59 min)

  • Kant : quelle place pour la sensibilité dans la morale ?

On présente souvent Emmanuel Kant (1724-1804) comme un "penseur sec". Un ennemi des passions et de la sensibilité. Un penseur de l’abstrait qui n'aurait fondé sa philosophie que sur un idéal de raison déconnecté de toute réalité sensible. Pourtant, l'auteur de Critique de la raison pratique publiée en 1788 s’inscrit également dans son époque, le courant des Lumières du XVIIIe siècle, qui a vu se développer un fort sentimentalisme. Et à l'instar de Rousseau ou d'Adam Smith, Kant se situe parmi les penseurs de la bienveillance. Cette émission propose d'éclairer la façon dont le sentiment de pitié ou de sympathie, par exemple ont été considérées par Kant comme des voies d’accès à une morale… sensitive. ( Les Chemins de la philosophie, 58 min)

  • Husserl et la phénoménologie

Né dans l’actuelle République tchèque, Edmund Husserl (1859-1938) est le père fondateur d’une méthode philosophique sans précédent, qui a fait de multiples disciples : la phénoménologie. Celle-ci n’a qu’un seul but : permettre à l'homme de saisir l'essence des choses... en revenant aux choses elles-mêmes, que nous ne percevons plus, tant le monde nous "captive", tant nous sommes captifs de présupposés, y compris scientifiques. En cela il s'oppose au scientisme, et à la tradition positiviste qui va de Galilée à Descartes. Cette émission se propose d'éclairer la méthode de Husserl, ses principaux termes, et la façon dont la phénoménologie, pour "revenir au monde", s'appuie sur les outils mathématiques et sur la logique. ( Les Chemins de la philosophie, 58 min)

  • Bachelard : penser contre son cerveau
Peut-on penser contre son cerveau ?
Peut-on penser contre son cerveau ?
© Getty - PM Images

Quand Gaston Bachelard (1884-1962) a cherché à penser l’objectivité scientifique, le sensible a fait obstacle à sa démarche épistémologique. En se livrant à une sorte de psychanalyse de la connaissance, le philosophe des sciences montre que nous sommes interprétons mal certains faits en raison de biais inconscients. Des "obstacles épistémologiques" s'interposent entre les objets et notre désir de les connaître. Ces obstacles, nous dit-il dans La Formation de l’esprit scientifique, il faut apprendre à les déjouer, ce qui suppose d’adopter une conception ouverte - c’est-à-dire inquiète - de la Raison. Ainsi, le philosophe invite à "penser contre son cerveau". Cette émission propose de faire toute la lumière sur cette expression a priori paradoxale. ( Science en questions, 59 min )

  • Merleau-Ponty, éloge de l'œil
Pourquoi Maurice Merleau-Ponty fait-il l'éloge de l'oeil ?
Pourquoi Maurice Merleau-Ponty fait-il l'éloge de l'oeil ?
© Getty - Hans Strand

Pendant longtemps les philosophes ont pensé que la réalité était invisible à l’œil. Que seuls l’entendement, l’intelligence pouvaient nous permettre d’y accéder par des processus d’idéalisation et d’abstraction. À la suite des travaux de Husserl au siècle précédent, le philosophe Maurice Merleau-Ponty (1908-1961) remet en question cet idéalisme et ce rationalisme. Dès 1945, dans La Phénoménologie de la perception, il affirme au contraire que nous avons accès aux choses à travers la sensibilité, et notamment à travers l’œil. Cette émission propose d'analyser comment la profonde réflexion de Merleau-Ponty sur la peinture et la vision l'ont conduit à réhabiliter le statut philosophique de la perception sensible. ( Les Chemins de la philosophie, 58 min)