Portrait d'Anna Akhmatova

Portrait d'Anna Akhmatova (1889-1966) - Kouzma Petrov-Vodkine (1922) - Wikipédia
Portrait d'Anna Akhmatova (1889-1966) - Kouzma Petrov-Vodkine (1922) - Wikipédia
Portrait d'Anna Akhmatova (1889-1966) - Kouzma Petrov-Vodkine (1922) - Wikipédia
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Anna Akhmatova (1889-1966) fut cette poétesse immense et héroïne russe du XXe siècle. Fortement critiquée pour n'avoir pas adhéré aux valeurs de la Révolution, mais aussitôt populaire pour sa poésie intimiste, lyrique plus que politique, pour sa puissance d'écriture sous la terreur stalinienne.

Avec

Alain Finkielkraut reçoit Geneviève Brisac, écrivaine et auteure de  Anna Akhmatova, portrait, et Sophie Benech, directrice des  Editions Interférences, spécialiste de la poésie russe et traductrice de nombreux textes d' Anna Akhmatova, autour de la figure de la grande poétesse russe.

Nul n'ignore le nom de Staline. Rares sont les admirateurs et les lecteurs d'Anna Akhmatova : l'Ogre du Kremlin a dévoré la poétesse sublime. L'émission d'aujourd'hui rend hommage à la vie et à l'œuvre de l'auteure de  Requiem, du  Poème sans héros et de L'hôte venu du futur.

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"Si ses poèmes sont des poèmes d’amour, la tragédie collective qu’Anna Akhmatova traverse avec son peuple est le fil rouge de son œuvre. Une tragédie qu’elle prophétise et traduit tout au long de sa vie… Ses chants d’amour et de désespoir forment la plus pudique et la plus déchirante des autobiographies.” Geneviève Brisac.

Qui était Anna Akhmatova ?

Geneviève Brisac rappelle qu'elle naît en 1889, en Ukraine, à Odessa, Anna Andreïevna Gorenko. Elle a une enfance très sauvage. C'est une jeune fille somnambule, nerveuse, une jeune fille malade aussi. Et elle découvre la poésie vers 10-11 ans. Ses parents divorcent - c'est assez rare en 1905. Elle se retrouve à Kiev et ensuite à Tsarskoïe Selo |*25 kms de Saint-Pétersbourg] où elle découvre vraiment qu'elle veut être poète. Elle va voir son père et elle lui dit "Voilà, je vais être poète". "Fais ce que tu veux, mais je ne veux pas que tu salisses notre beau nom de Gorenko", Elle décide qu'elle va s'appeler comme son arrière-grand-mère tatare, Akhmat : Anna Akmatova. Plusieurs personnes, en particulie r, Marina Tsvetaeva et Joseph Brodsky, ont noté à quel point c'était une deuxième naissance. Elle rencontre un homme, Kolia Goumiliov, qui va la poursuivre de ses avances pendant des années et des années. Et elle va l'épouser. Elle est très jeune, elle a 19 ans. Depuis qu'elle a 14 ans, il la poursuit dans les rues de Tsarskoïe Selo, il la peint, il lui envoie des poèmes, il fait des tentatives de suicide, etc. Elle épouse ce Nikolai Goumiliov qui est un grand poète, un grand ami aussi d'Ossip Mandelstam, qu'on va retrouver tout au long de cette vie. Et ce trio, Ossip Mandelstam, Goumiliov et Anna Akhmatova, est vraiment le trio central de cette création poétique qu'est  l'acméisme."

Une poésie qui chantait l'amour, ses joies et ses peines

Sophie Benech précise que l'œuvre d'Anna Akhmatova fut très rapidement considérée comme intimiste. "En fait, au départ, oui, elle était réputée pour ça. Elle était connue et aimée pour chanter les peines d'amour et les peines d'intimisme. Mais en même temps, justement, si elle était tellement appréciée, c'est peut-être que ses lecteurs ou ses lectrices sentaient, à travers cette poésie très individuelle et très personnelle, qu'elle touchait à quelque chose de beaucoup plus universel, qui est en fait ce "nous" qui perce à travers ce je."

"Elle racontait quelque chose qui est très contemporain"(G. Brisac)

"Je voudrais revenir sur ses premiers poèmes et sur les raisons de son succès. Parce qu'elle a été tout de suite, et c'est une des raisons qui l'a protégée certainement de la mort, et du goulag en tout cas, elle a été immédiatement très populaire chez les femmes du peuple. Et pourquoi ? Parce qu'elle racontait quelque chose qui est très contemporain.  Elle parlait des femmes battues, des femmes humiliées, des femmes que leur mari trompe. Et elle en parlait avec humour. Elle racontait les disputes, c'est-à-dire qu'elle avait un art très particulier de la dispute conjugale en poème. Ce qui là aussi est assez particulier. Je ne connais d'ailleurs qu'elle qui ait fait ça." Geneviève Brisac

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"Alors, évidemment, ses amoureux. tombent amoureux d'une merveilleuse jeune femme, incroyablement belle. Elle est extraordinairement belle, radieuse, magnétique. Et puis, ils se retrouvent avec une poétesse qui n'est pas exactement facile et qui, par ailleurs, elle-même tombe aussi amoureuse. Donc, ça donne des maris extrêmement jaloux qui la battent, qui l'enferment. Et cette femme qui veut être libre se retrouve tout le temps enfermée.Geneviève Brisac

Une nouvelle période maudite

Sophie Benech ; *On connaît la grande vague de terreur des années 37, mais on ne connaît pas celle qui a suivi la guerre. Et c'était une vague de répression extrêmement forte qui a commencé par ce  rapport Jdanof. Et là, elle s'est retrouvée sans revenus. Déjà, elle vivait assez chichement, mais alors là, dans la misère, insultée. Elle a été couverte de boue, ce qui est quand même psychologiquement très difficile. Mais comme elle l'a écrit, "*On m'a jeté tant de pierres que plus aucune ne m'atteint"."

Sources bibliographiques

  • Geneviève Brisac, Anna Akhmatova, portrait, Littérature et essais, Seghers 2024
  • Anna Akhmatova, Elégies du Nord, Les secrets du métier, traduit du russe par Sophie Benech, Edition bilingue, Interférences 2015
  • Anna Akhmatova, L'hôte venu du futur, poèmes traduits du russe par Sophie Benech, édition bilingue, Interférences 2020
  • Anna Akhmatova,  Requiem, édition bilingue, traduit du russe et présenté par Paul Valet, Minuit 1966 ;  Requiem, traduit du russe par Sophie Bench, édition bilingue, Interférences, 2005
  • Lydia Tchoukovskaïa,  Entretiens avec Anna Akhmatova, Traduction du russe de Lucile Nivat, Geneviève Leibrich et Sophie Benech., Le Bruit du temps, 2019
  • Nadejda Mandelstam,  Sur Anna Akhmatova, Édition et postface de Pavel Nerler, Traduction du russe et avant-propos de Sophie Benech, Le Bruit du temps, 2013
  • Sophie Benech, Une Elégie du Nord d'Anna Akhmatova, Le Bord de l'eau, 2018
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