Portugal, "Émigration" : épisode • 8 du podcast Les termes du débat européen

Un homme sur le départ, Porto, Portugal ©Getty - Julien Dubois
Un homme sur le départ, Porto, Portugal ©Getty - Julien Dubois
Un homme sur le départ, Porto, Portugal ©Getty - Julien Dubois
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Le Portugal connaît le plus fort taux d'émigration d'Europe. Selon un rapport de l'ONU de 2019, 2,6 millions de Portugais vivent en dehors de leur pays. Comment expliquer ces départs ? Dans quelle mesure ce phénomène s'inscrit-il dans l'histoire du pays ?

Avec
  • Victor Pereira Historien, chercheur à l’Institut d’Histoire Contemporaine de l’Université Nouvelle de Lisbonne
  • Margarida Marques Députée européenne du Portugal, ancienne Secrétaire d’Etat aux Affaires européennes

De tous les pays de l’Union européenne, le Portugal est celui qui possède le plus fort taux d’émigration. Selon un rapport de l’ONU, deux millions six cent mille portugais vivent hors du pays.

Car, outre l’aventure coloniale du royaume depuis le XVeme siècle, l’émigration portugaise a une histoire de plus de cent ans, quand, lors de la Grande guerre, nombre de ressortissants de ce pays ont fait le voyage vers les usines françaises, puis qu’une émigration clandestine s’est développée sous le régime dictatorial de Salazar jusqu’au milieu des années 1970.

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Depuis, le Portugal est entré dans l’Union européenne, a connu la crise de la dette des années 2010, un premier ministre poussant alors ses jeunes à quitter le pays pour tenter leur chance à l’étranger, un redressement économique spectaculaire sous la direction du premier ministre socialiste Antonio Costa, ce qui n’a pas freiné pour autant le départ vers l’étranger des jeunes portugais.

Comment expliquer une telle situation ?

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L’émigration au Portugal, une constante historique ?

Victor Pereira met en avant la continuité historique de l’émigration portugaise, bien que cette dernière s’ancre dans des réalités différentes : « Dans un article des années 70, l’historien Vitorino Magalhães Godinho parle de l’émigration comme une constante structurelle de la société portugaise. Et il explique que depuis le XVe siècle, avec le début des grandes découvertes, le Portugal est constamment un pays d'où on part et ce, jusqu'à nos jours. Évidemment, il y a une certaine continuité, mais d'un autre côté, on ne part pas de la même façon. On n'est pas le même émigrant quand on va en Inde, à Goa, en tant que gouverneur ou en tant que marchand au Brésil. C'est donc à la fois une constante, mais évidemment les structures, les pays d'accueil, les conditions dans lesquelles les gens partent, diffèrent au long des siècles et des décennies ».

Margarida Marques souligne le rôle de l’intégration du Portugal au sein de l’Union européenne : « Le Portugal est entré dans l'Union européenne, et en devenant un état membre, avec des responsabilités, des droits et des devoirs les portugais ont pu bénéficier de tous les droits en tant que citoyen de l’Union. Ainsi, on donnait aux émigrés portugais un statut complètement différent, qu'ils n'avaient pas avant l'adhésion à l'Union européenne » Elle ajoute, sur le départ des jeunes portugais qualifiés : « Ce qui est intéressant, c'est que ces jeunes sont partis à l'étranger parce qu'ils connaissent l'étranger. C'est-à-dire que la plupart des jeunes qui sont partis sont des jeunes qui avaient fait Erasmus pendant leur formation. Ils avaient des réseaux, c'était donc facile de partir ailleurs. C'était une situation complètement différente parce que c’était facile de partir dans un autre pays ».

Une émigration qui continue aujourd’hui, notamment pour des raisons économiques, comme l’explique Victor Pereira : « Le Portugal est toujours un pays où les salaires sont beaucoup plus bas que dans le reste de l'Union Européenne. Le salaire minimum est d’un peu plus de 800 euros, et le salaire médian ne dépasse pas les 1000 euros. Et donc, pour un certain nombre de Portugais, il est beaucoup plus rentable d'aller travailler en France, aux Pays-Bas ou encore au Luxembourg pour trouver des emplois où ils seront beaucoup mieux payés ».

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Pour aller plus loin :

- Victor Pereira est l'auteur de l'ouvrage  C’est le peuple qui commande - La Révolution des Œillets : 1974-1976 (Editions du Détour, 2024) et de l'ouvrage  La dictature de Salazar face à l'émigration - Presses de Sciences (2012)

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