Pourquoi l’État-providence a-t-il changé de nature au milieu du XXe siècle ? : épisode • 3/5 du podcast Pourquoi les États-providence sont-ils en crise ?

Une cotisation : Illustration de mains humaines mettant des pièces dans la fente d'une tire-lire ©Getty - tommy. Collection : DigitalVision Vectors
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L’État-providence évolue au XXe siècle, passant de la protection des travailleurs à celle de tous les citoyens après le rapport Beveridge de 1942. Pourquoi ce changement et quelles critiques persistent ?

Nous avons vu lors de l'épisode 2 de cette série, l’État-providence a eu du mal à s’imposer, critiqué dès le milieu du 19e siècle parce que risquant tout à la fois d’exonérer les personnes de tout effort, de couter cher et d’intervenir de façon intempestive dans la vie privée. Comment l’État-providence s’est-il mis en place ?

Bismarck vs. les libéraux français : la naissance de l’État-providence en Allemagne

Pendant qu’en France, les libéraux s’opposent de toutes leurs forces au développement d’une protection collective soutenue par l’État, le chancelier allemand Otto von Bismarck met en place en Allemagne, entre 1883 et 1989, un système complet de protection contre l’ensemble des risques sociaux. Plusieurs raisons l’expliquent. Bismarck a vu les ravages exercés par la suppression des corporations et le développement trop rapide de l’industrialisation notamment en Angleterre. Par ailleurs, il souhaite couper l’herbe sous les pieds des socialistes dont les idées progressent. Parallèlement, à l’Université, contrairement à ce qui se passe en France, les socialistes de la Chaire défendent l’idée que l’intervention de l’État est nécessaire. Bismarck met en place un système d’assurances sociales, alimenté par une cotisation proportionnelle au salaire prélevée à la fois sur les employeurs et les salariés et gérée par ces derniers, organisant ainsi une solidarité professionnelle.

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Cultures Monde
58 min

Les débats passionnés sur les retraites en France : l'opposition de Leroy-Beaulieu

En France, alors que les débats autour de la possible mise en place d’un système de retraites ouvrières et paysannes commencent à la Chambre, les mêmes arguments qu’au 19e siècle continuent d’être mobilisés. Ainsi l’économiste Pierre Paul Leroy-Beaulieu, radicalement opposé à cette possibilité, la fustige-t-il en ces termes en 1901 : "Fût-il préférable avec de beaucoup moindres sacrifices, un système d’assurances obligatoires contre la vieillesse et l’invalidité nous paraitrait devoir être repoussé au nom des véritables intérêts sociaux. La civilisation occidentale a du tout son essor à la vigueur de l’individu, à l’esprit d’initiative, de hardiesse en même temps que de prévoyance et de capitalisation. Ces qualités qui distinguent l’Européen et l’Américain de même souche des autres races, tout le système d’État soi-disant paternel ou plutôt de législation 'grand maternel' (…) tend à les comprimer d’abord, à les éliminer ensuite. L’individu n’aura plus à prendre souci de lui-même ni la famille d’elle-même ; énergique ou non, actif ou somnolent, capable ou borné, il aura un sort fixé d’avance, ne variant que dans d’étroites limites ; un mécanisme automatique, celui de l’obligation législative, de l’assistance, garantira son avenir. Nous considérons ce système comme détestable, propre à transformer en perpétuels enfants, en êtres engourdis et somnolents, les membres des nations civilisées". La protection sociale ôte aux individus leur esprit d’initiative et de responsabilité.

Le Pourquoi du comment : économie et social
4 min

Le tournant du rapport Beveridge : vers un État-providence pour tous les citoyens

Il faudra attendre 1910 pour qu’un  système de retraites peu efficace soit mis en place puis un  système d’assurances sociales en 1930. Mais avec le rapport William Beveridge publié en 1942, le rôle affecté à l’État change encore de nature. Le 'Welfare state' envisagé par Beveridge signifie en effet que l’État est désormais chargé de la fonction de garantir le bien-être de l’ensemble des citoyens et plus seulement celui des travailleurs. Si tous les systèmes de protection sociale mis en place à la sortie de la guerre ne parviennent pas concrètement à mettre en place cet idéal, il n’en reste pas moins que celui-ci est en rupture avec les assurances sociales mises en œuvre auparavant, qui n’organisaient qu’une solidarité professionnelle entre les travailleurs. Désormais, comme l’avait bien remarqué Guy Perrin dès 1967, et comme François-Xavier Merrien l’a démontré, l’État-providence moderne change de nature. Il ne s’agit plus seulement de protéger les travailleurs, mais tous les citoyens contre l’ensemble des risques. Le sociologue Thomas Humphrey Marshall décrit le passage historique à l’État-providence moderne comme l’accession progressive des droits civiques aux droits politiques puis aux droits sociaux.

Le Temps du débat
38 min

Jusqu’aux années 1970, notamment dans les pays européens, les États-providence se déploient en améliorant à la fois le nombre de personnes couvertes, les prestations accordées et le montant de celle-ci. Pourtant, comme nous le verrons lors de  l'épisode 4 de cette série, les critiques de l’État-providence n’ont pas été éradiquées. Elles ont simplement été mises en veilleuse.

La chronique est à écouter dans son intégralité en cliquant sur le haut de la page. Histoire, économie, philosophie >>>  Écoutez et abonnez-vous à la collection de podcasts "Le Pourquoi du comment" ; les meilleurs experts répondent à toutes les questions que vous n'osez poser.

À écouter aussi dans  Entendez-vous l'éco ?

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