Pourquoi l’État-providence a-t-il été radicalement remis en cause dans les années 1980 ? : épisode • 5/5 du podcast Pourquoi les États-providence sont-ils en crise ?

Illustration d'une tire-lire portée par trois personnes, devant elles, un homme pointe une direction pour la déposer. ©Getty - tommy. Collection : DigitalVision Vectors
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Les États-providence se développent de l’après-guerre jusqu’aux années 1970 dans les pays occidentaux. Mais aux États-Unis, les critiques se font entendre dès la fin des années soixante.

Dans l'évolution des États-providence occidentaux, les États-Unis se distinguent par des critiques dès les années 1970. En 1935, le New Deal de Roosevelt crée un système social fédéral, mais les républicains, mais à partir de 1969 Nixon en tête, et les néo-libéraux dénoncent un encouragement à la paresse et à la désagrégation familiale. Les années 80 voient ces critiques se populariser avec Murray et Mead, proposant des réformes pour limiter l'assistance sociale. En 1996, Clinton et Blair cherchent à rompre avec l'État social traditionnel, réformant l'assistance sociale vers un modèle décentralisé et conditionnel, influençant les États européens.

L'émergence de l'État-providence aux États-Unis (1935-1964)

En 1935, le président américain démocrate  Franklin Delano Roosevelt signe le Social Security Act, un des éléments clés du New Deal qui visait à redynamiser les États-Unis après la grave crise de 1929. Il s’agit d’établir un système de protection sociale au niveau fédéral comportant un dispositif de retraite pour les plus de 65 ans, une assurance-chômage, et des aides sociales pour les personnes handicapées, les personnes âgées et les veuves avec enfants. Trente ans plus tard en 1964, le président Johnson, également démocrate, propose un ensemble de mesures pour lutter contre la pauvreté, qui touchait alors, selon les estimations, environ 19 % de la population. Cette politique est la poursuite du New Deal et vise à étendre le rôle de l’État fédéral dans sa dimension sociale. L’Aid For Dependent Children qui était jusqu’alors distribuée aux seules veuves avec enfants est étendue à toutes les mères isolées. Elle va devenir la bête noire des critiques de l’État-providence à partir des années 1970.

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La critique du 'welfare' aux États-Unis dans les années 1970-80

Le président républicain Nixon, lance en 1969 l’expression "workfare" (formée de 'work' et 'welfare'), qui va être mobilisée de façon polémique par les critiques républicains de l'assistance aux familles pauvres. Les années soixante-dix et 80 voient monter les critiques contre le 'welfare', l’assistance aux familles pauvres accusée d’encourager la fainéantise de désinciter au travail et d’encourager, notamment chez les familles d’origine africaine, la désagrégation de la famille. Nixon déclare : "what America needs now is not more welfare but more workfare" ("ce dont l’Amérique a besoin ce n’est pas de plus de welfare mais de plus de workfare").

Durant les années 1980, ces thématiques trouvent une audience de plus en plus large. Deux auteurs notamment, Charles Murray et Lawrence Mead, développent de façon récurrente la thèse des effets pervers et négatifs des politiques de justice sociale. Elle s’inscrit dans le cadre plus large de l’expansion du néo-libéralisme et de sa critique de l’État-providence. Selon les néo-libéraux, la politique sociale provoque la désincitation au travail. Les politiques sociales empêchent les individus de se comporter normalement ; elles incitent à la paresse et à l’éclatement des familles ; elles constituent aussi un coût insupportable pour les finances publiques.

Dans son ouvrage de 1984, Losing Ground, Charles Murray remet radicalement en cause les programmes de la "grande société" des présidences Johnson et Kennedy, qui ont, dit-il, créé une mentalité d'assisté et une culture de la pauvreté. Il appelle à de profondes réformes pour sortir de la "culture de l’assistance" et propose de démanteler l’État-providence pour revenir aux solidarités spontanées. Les deux auteurs proposent de ne donner des aides qu’en contrepartie d’une stricte obligation de travail.

La transformation de l'État-providence dans les années 1990

Alors que dans les années 1980 les démocrates s’opposaient radicalement à cette façon de voir et considéraient ces aides sociales comme un droit, les années 1990 vont être le théâtre de leur conversion. En 1992, au cours de sa campagne électorale, Bill Clinton met au centre de ses arguments la promesse de rompre avec la logique traditionnelle de l'État providence : nous devons dit-il, en finir avec l’ État social tel que nous le connaissons ("To end welfare as we know it"). Clinton veut désormais vaincre la "culture de la dépendance permanente aux allocations" comme Tony Blair et son mentor Anthony Giddens le proclament à leur tour exactement au même moment. En 1996, une nouvelle loi sur l’assistance sociale est votée aux États-Unis. Elle décentralise la gestion de l’aide sociale et soumet l’obtention de l’assistance à des conditions strictes. Ce programme va être adopté à des vitesses et des degrés différents par les États européens.

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