“Psappha” ou la “pulsation retrouvée” de Xenakis par Adélaïde Ferrière
Par Sibylle de BarthezComposée en 1976, “Psappha” est un classique du répertoire pour percussions solo. Avec cette œuvre, Iannis Xenakis ouvre un univers sonore inédit que nous décrypte la percussionniste Adélaïde Ferrière.
“C’est l’apogée de la percussion” estime Adélaïde Ferrière. La percussionniste française de 28 ans a découvert Psappha lors de ses études au Conservatoire de Paris. Composée en 1976 par Iannis Xenakis, cette œuvre est un incontournable pour les percussionnistes. A cette époque, la musique contemporaine s’est déjà emparée des percussions, séduite par leurs grandes variétés de timbres. Avant-gardiste, Xenakis innove en leur redonnant leur fonction première : le rythme.
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Un libre instrumentarium
Avec Psappha, Iannis Xenakis poursuit son exploration du rythme. Ainsi, l’instrumentarium est laissé libre à l’interprète avec des installations que l’on appelle “multi-percussions”. Seul impératif : utiliser des groupes d’instruments en bois et/ou peaux, ainsi que trois groupes d’instrument en métal. Grâce à ce dispositif, le percussionniste dispose d’une grande liberté de jeu. “C’est une perpétuelle recherche et une exploration pour créer l’installation”, raconte Adélaïde Ferrière. Pour sa représentation, elle a décidé d’avoir quatre installations différentes. Au fil des treize minutes d’interprétation, son instrumentarium se métamorphose offrant autant de fugues que d’instants de chaos. "Quand je le joue, c'est une sorte de transcendance. C'est très puissant, il y a une puissance physique, une puissance sonore et une énergie folle” martèle Adélaïde Ferrière.
La pulsation comme battement authentique
A la recherche d’une “pulsation retrouvée”, Xenakis plonge dans ses racines grecques et s’inspire de la figure antique de Sappho, poétesse de l’île de Lesbos, née au VIe siècle avant JC. Il y délaisse toute l’imagerie sentimentale propre à la poésie de Sappho pour mieux convoquer la structure rythmique de ces vers dit “strophes sapphiques”.
Car chez Xenakis, pas de partition classique. Symbole de la modernité musicale, il est celui qui a introduit les mathématiques dans le processus de composition. Pour Psappha, il a construit sur du papier millimétré un système de lignes et de points, dont la rencontre crée une pulsation métronomique. ”En quoi consiste le rythme ?, écrivait Xenakis : C’est choisir des points sur une droite, la droite du temps. Le musicien compte le temps de la même façon qu’en marchant on compte les bornes kilométriques. ” Adélaïde Ferrière dispose juste d’“indications de catégories de hauteurs ou de registres”.
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La grande variété de timbres, les changements de hauteurs permanents et une notion du rythme anticonformiste font de Psappha une œuvre certes novatrice, mais également un défi pour l’interprète. “Pour jouer Psappha, ça demande beaucoup d’énergie. Il y a un engagement physique qui est très important. Il y a aussi cette notion-là dans la musique de Xenakis de se dépasser, de dépasser les limites toujours. On a l’impression d’être pris dans une tempête sonore”, souligne Adélaïde Ferrière.
Impression d’éclairs, d’ouragans, de tempêtes... Psappha offre un classique pour percussion solo aux envolées presque métaphysiques. “Il y a un rapport tellurique par rapport aux forces de la nature, et à tout ce qui nous dépasse”, estime Adélaïde Ferrière. Finalement on calcule tout pour avoir la liberté de pouvoir s’en remettre complètement au hasard et au monde du spontané.”
Références