"Cyprus Confidential", il y a un maillon faible dans les filets européens.

Cyprus Confidential, une enquête menée par l'ICIJ, le Consortium International des Journalistes - ICIJ
Cyprus Confidential, une enquête menée par l'ICIJ, le Consortium International des Journalistes - ICIJ
Cyprus Confidential, une enquête menée par l'ICIJ, le Consortium International des Journalistes - ICIJ
Publicité

Deux cent soixante-douze journalistes et huit mois de travail pour analyser les 3,6 millions de fichiers. Des documents qui montrent comment un État membre de l'Union européenne a hébergé un vaste blanchiment d'argent des oligarques russes sous sanctions.

Ce n’est pas la première fois que je vous fais le récit à ce micro d’enquêtes qui révèlent la manière dont la Russie parvient à contourner les sanctions internationales depuis le début de l’invasion ukrainienne en février 2022. Place ici au Consortium International des Journalistes d’Investigation, l’ICIJ, basé à Washington, et à une enquête qui lève le voile sur la machine financière du Kremlin, largement aidée par un État membre de l’Union européenne, l’île de Chypre, souvent surnommée la “Moscou de la Méditerranée”. Une image dont le pays se serait bien passé, mais que l’enquête accentue notoirement.

L’enquête a été publiée mardi avec plus de 60 journaux et médias partenaires dont la cellule d’investigation de Radio France. Avec un nom de code : "Cyprus confidential".

Publicité

Il a fallu 272 journalistes et huit mois de travail pour analyser les 3,6 millions de fichiers fuités provenant de six prestataires de services financiers basés à Chypre. Des documents qui constituent une radiographie de plus de 800 sociétés offshores dont 640 sociétés chypriotes qui blanchissent clandestinement l’argent des oligarques sous sanctions. Quelques noms sortent du lot. Il y a Roman Abramovitch, l’ancien propriétaire du Chelsea Football Club, mais aussi des industriels comme Alexandre Abramov ou Alexandre Frolov et même le violoncelliste star Sergueï Roldouguine, surnommé, lui, le portefeuille de Vladimir Poutine. L’enquête parle surtout de blanchiment d’argent, mais touche des domaines aussi variés que l’industrie du porno, les malversations dans le monde sport ou de l’édition : elle raconte comment un journaliste allemand très en vue, Hubert Seipel, a reçu au moins 600 000 euros via Chypre pour écrire un portrait élogieux de Vladimir Poutine. Apparaissent aussi, entre les lignes de compte, le train de vie des oligarques sur cette île de Méditerranée, entre des concerts privés de star du rock mondial, des collections de tableaux impressionnistes à faire blêmir le musée d’Orsay, des villas et des yachts en tout genre…

On savait depuis 2014 et l’annexion de la Crimée, que Chypre était un point d’entrée, une courroie de transmission des avoirs russes en Occident.

Ce qui surprend ici, c’est que les documents prouvent que les sociétés chypriotes ont mis en branle tout leur savoir-faire et leurs employés pour aider les principaux soutiens du régime de Poutine à mettre leur fortune à l’abri dès le lendemain de l’invasion de l’Ukraine. Des milliards de dollars dissimulés aux sanctions et aux différents systèmes de régulations et surveillances européens.  Prenez par exemple Alexei Mordashov, l’un des hommes les plus riches de Russie, qui a transféré un investissement de 1,4 milliard de dollars à sa compagne grâce au travail acharné de 1100 employés de la branche chypriote du géant mondial de la comptabilité PwC, le lendemain de l’invasion.

PwC, comme d’autres géants de l’expertise et du conseil comptable, sont au cœur de ces révélations. Mais l’enquête met en cause indirectement le gouvernement chypriote. Depuis mardi et le début des révélations de Cyprus Confidential, l’Union européenne, qui avait appelé en juin à un examen plus approfondi des pratiques comptables et bancaires de l’île, est dans l’embarras. À Chypre, on montre du doigt le président déchu aux élections de mars dernier, Nicos Anastasiades, lui-même avocat ayant ouvert un cabinet de conseil offshore. Reste que Chypre apparaît plus que jamais comme le “maillon faible” du système financier de l’Union européenne, et qu’il sape aujourd’hui la lutte de l’ensemble de l'Union contre la corruption, le blanchiment d'argent et les oligarques qui soutiennent l'effort de guerre russe.

" Pornographie, Syrie, foot et cybersurveillance : les autres révélations de 'Cyprus Confidential'", Franceinfo

Tous les volets de l'enquête à retrouver ici :  CYPRUS CONFIDENTIAL

L'équipe