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- Retracer l’histoire, et les sens du mot, djihadisme est nécessaire tant cette notion effrayante, de ses origines à nos jours, a suivi un tracé politique, religieux et idéologique sinueux.27 janv. • 49 min
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- Dans ce dernier numéro d’« En quête de politique », d’une série de quatre, consacré à l’Islamisme, Thomas Legrand et ses invités examinent la dimension, et la réception de cet « isme » en France au travers d’une multitude de termes et de questions qui peuplent nos débats.10 fév. • 48 min
À propos de la série
Dans cette série en quatre épisodes, Thomas Legrand enquête sur les racines idéologiques de l'islam politique, du fondamentalisme islamiste et djihadiste. Anatomie d'une doctrine socio-politique radicale et multiforme fondée sur la religion musulmane et le séparatisme politique.
Une série pour mieux comprendre ce concept qui fait l'objet de fantasmes et de dénis. Une question centrale de notre débat politique. Pourquoi ce "isme" a-t-il constitué un autre sens, plus sulfureux que le "isme" du christianisme ou encore du judaïsme ? Nous verrons dans quelle mesure le suffixe accolé à l'islam suggère la politisation de la religion. Une radicalité politique qu'il exprime dans bien des cas durant l'histoire de l'islam politique jusqu'à sa version terroriste et djihadiste. Une prétention politique d'une partie très minoritaire, mais très active, de l'islam qui suscite toujours de très grands enjeux géopolitiques puisque l'islamisme, mondial, a aussi créé une vague terroriste dont l'idéologie est devenue le réceptacle de la radicalité de bien des peuples du Proche, du Moyen et de l'Extrême-Orient.
Quatre épisodes de l'émission "En quête de politique" pour comprendre ce que recouvre ce terme aux côtés de deux historiens arabisants, un juriste, un imam, trois journalistes, une activiste pour définir, différencier, dissocier certains termes qui peuplent nos débats s'agissant de l'islamisme, imprégné par d'autres concepts et doctrines telles que le salafisme, le djihadisme…
De quoi l'islamisme est-il le nom ?
D'où provient cette notion, et quelle est son histoire ? Nous verrons en quoi l'islamisme est une approche sociopolitique totalisante, globalisante autant que restrictive de l'islam. L'islam politique conditionne différents types de groupes depuis la fin du XVIIIe siècle, depuis ceux qui se réclament du réformisme musulman à l'époque où l'empire Ottoman dominait encore le Moyen-Orient. En passant par la mouvance politique des Frères musulmans, qui s'épanouit durant l'entre-deux-guerres, pour arriver à des mouvances extrêmement radicales, plus contemporaines, les djihadistes.
Nous analysons les rapports subtils entre l'islamisme et le salafisme. Ce dernier étant un mouvement religieux qui réaffirme et défend le retour à la piété des premiers musulmans, la défense de la tradition prophétique. Si tous les islamistes et les djihadistes sont des salafistes, nous verrons que tous les salafistes ne sont pas des djihadistes, ni des terroristes. Nous verrons en quoi le salafisme est un conservatisme qui conditionne l'islamisme et le djihadisme, mais ne s'associe pas toujours avec l'islam politique et le terrorisme. Une manière de mieux comprendre que l'islam politique repose sur toute une articulation complexe entre histoire, conservatisme religieux, salafisme et djihadisme.
Une révolution politique et religieuse
Retour aux sources d'un projet politique radical fondé sur un retour de l'âge d'or de l'islam des origines (VIIᵉ-IXᵉ siècle) soit les premiers siècles (médiévaux) de l'islam de l'époque du prophète Mahomet et des quatre premiers califes (souverains musulmans successeurs de Mahomet, autrefois investis du pouvoir politique et religieux). Une idéologie théocratique, qui considère que les aspects de la vie en société, privée ou publique, doivent être gérés par la religion musulmane en tant que dogme politico-religieux (loi islamique ou charia).
Nous verrons en quoi ce concept constitue un marqueur historique pour les islamistes, qui se représentent un monde musulman idéalisé avec lequel ils entendent renouer afin de faire resurgir la grandeur passée de l'islam. La composition des mouvances islamistes intervient en même temps que la modernité politique dans le sillage des idées de la Révolution française, à la fin du XVIIIe siècle. Une idéologie très moderne qui puise dans une représentation du monde héritée de la tradition islamique médiévale. Cette volonté, de la part des islamistes, d'un retour aux origines de l'islam est motivée par l'impression d'un détournement de l'islam dominée pendant longtemps par la puissance ottomane et l'ingérence des nations libérales européennes.
L'héritage du réformisme islamique et des Frères musulmans
Tout le XIXe siècle est marqué par cette révolution salafiste. Une révolution politico-religieuse, un protestantisme musulman qui entame sa course à partir du tout début du XIXᵉ siècle, d'abord dans les provinces arabes ottomanes et qui se développe dans la deuxième moitié du XXᵉ siècle dans le monde musulman global et dans la dernière décennie du XXᵉ siècle en Europe, en rupture symbolique avec les principes des sociétés démocratiques. Nous verrons que les spécificités historiques de la doctrine islamiste qui structure actuellement l'État Saoudien, jusqu'à sa naissance en 1932, fondée sur le Wahhabisme, est une étape importante. Parmi les acteurs de ce réformisme musulman conservateur, Al-Afghâni (1838-1897), Mohamed Abduh (1849-1905) ou encore Rashid Rida (1865-1935)… Coup de projecteur sur toute une nouvelle génération d'intellectuels de la fin du XIXᵉ siècle, qui s'interroge sur les causes du déclin islamique, en termes identitaires.
Vous découvrirez en quoi l'émergence des Frères musulmans a été déterminante et structurante. Une mouvance de politisation de l'islam fondée en 1928 par Hassan el-Banna (1906-1949) et approfondie par Sayyid Qutb dans une Egypte marquée par les suites de l'occupation européenne. C'est à cette époque que se cristallise le sentiment d'un déclin ressenti par les populations arabo-musulmanes et indexé sur la domination et l'ingérence occidentale. C'est dans cette mouvance que s'épanouit le concept d'un État islamique fondé sur le califat, la structure administrative ancestrale héritée de l'islam des origines. L'occasion de comprendre comment les Frères musulmans réinvestissent cet héritage réformiste en donnant naissance à l'islamisme dans sa conception moderne, en préconisant déjà un Etat nation musulman fondé sur le droit islamique (la charia) où tous les musulmans, y compris non-arabes, chiites et sunnites, seraient réunis.
L'islamisme comme idéologie de contestation
C'est ainsi que nous nous demanderons comment l'islamisme a remplacé, dans de nombreuses régions du globe, au-delà des terres traditionnelles de l'islam, les idéologies contestataires d'autrefois, si l'islamisme est devenu la radicalisation de l'islam ou bien l'islamisation de la radicalité. Depuis les années 1970, le mouvement islamiste est devenu la voix dominante des contestations dans le monde arabe, après une longue période historique (1950-1970) essentiellement marquée par les nationalismes arabes sans que la religion soit le fondement principal.
Le référent islamique devient depuis les années 1970, le référent dominant en politique dans le monde arabo-musulman. On se demande, dan cette série, comment cette partie du champ politique a, dans une certaine mesure, pris le dessus sur le nationalisme arabe depuis l'arrivée de l'ayatollah Khomeiny au pouvoir en Iran et la mise en place d'une République islamique fondée sur un islamisme de confession chiite, en pleine guerre froide.
La naissance du djihadisme
Quelle est la place du djihad dans l'islamisme ? Retour en 1979, quand les Soviétiques envahissent l'Afghanistan. C'est dans ce contexte que se noue la matrice de l'islamisme contemporain, et du djihadisme tel qu'on le conçoit aujourd'hui, dans la résistance des Afghans. Le djihad afghan est une occasion de remobiliser les islamistes, d'étendre leurs réseaux de lutte politique et géopolitique.
Une dimension offensive réinvestie dans les années 1990 par l'organisation islamiste Al-Qaïda, créée en 1988 par Ben Laden (1957-2011) et qui cible non plus l'Union soviétique, mais les États-Unis. C'est la naissance du djihadisme dont on retrace l'histoire. Introduit lors de la guerre d'Afghanistan comme une obligation religieuse théorisée par le Palestinien Abdallah Azzam (1941-1989). Si le djihad "armé" a été dévoyé par les islamistes en un appel à la guerre sainte, nous verrons que le mot, au départ, n'insinue aucune violence, et que c'est un exemple sémantique symptomatique parmi d'autres de la perversion de l'islam par l'islamisme. D'abord défensif et local, vous comprendrez comment il acquiert progressivement une vocation offensive, globale et universelle ; comment l'islamisme devient un terrorisme international ? Qui était Ben Laden, et comment son parcours a donné échos au djihad armé face à l'Occident, dont le basculement dans les années 1990 trouve son paroxysme dans les attentats du 11 septembre 2001 au World Trade Center.
De Al-Qaïda à l'État islamique
Le djihadisme est un phénomène qui s'implante dans les années 1990 de manière très graduelle, et qui prend différentes tournures au gré de la géopolitique internationale, du contexte de la guerre en Irak dans les années 2000, de la guerre en Syrie. Une géopolitique qui permet aux organisations djihadistes de se nicher dans ces pays en guerre et de construire des filières avec très progressivement des relais en Europe. Nous verrons comment Daech naît progressivement des suites de l'invasion américaine de l'Irak en 2003, prospérant en Irak puis en Syrie à la faveur de la guerre civile syrienne contre le régime de Bachar al-Assad dans le contexte du Printemps arabe depuis 2010. En quoi leur ambition tenait à l'établissement d'un État étendu entre l'Irak et la Syrie, à la défense d'un islam politique conquérant en vue de recomposer un califat traditionnel, de provoquer une vague d'attentats en vue d'exciter une haine globale et opportune contre les musulmans en Europe pour désintégrer les démocraties européennes considérées comme impies. L'attentat contre Charlie Hebdo du 7 janvier 2015 ou encore les attentats du 13 novembre 2015 font partie de cette mouvance djihadiste menée contre l'Occident, à l'intérieur des communautés musulmanes européennes.
L'islamisme et la France
Retour sur le débat autour de l'islam politique et des enjeux qu'il suscite et implique dans notre pays. Comment et quand l'islamisme s'est-il introduit en France ? La radicalité islamiste est-elle le réceptacle des frustrations sociales ? Faut-il, pour combattre ce nouvel obscurantisme, multiplier les interdits ? Est ce que l'islamisme progresse dans les quartiers, parmi la population musulmane de France ou est-ce qu'on en a peur de façon outrancière et fantasmée ?
En matière d'islamisme, il demeure actuellement des mots qui font polémique dans les débats français, que Thomas Legrand propose ici de décrypter. Des idées reçues qui laissent trop souvent place aux fantasmes, aux non-dits, aux procès d'intention et aux amalgames. Comme le mot islamophobie dont on se demande s'il sert à désigner le racisme anti-musulman ? Un terme qui à pignon sur rue dans certains médias qui développent une détestation de l'islam et qui procèdent régulièrement au fameux amalgame entre islam et islamisme, entre islam et terrorisme. Les concepts d'islamisme d'atmosphère et d'islamo-gauchisme, dont nous analysons les fondements sémantiques historiques.
Intervenants :
- Meziane Abane, fondateur du média des luttes progressistes et l'Avant-Garde Algérie
- Mohamed Bajrafil, théologien, linguiste, essayiste et ancien imam franco-comorien, secrétaire général du Conseil théologique musulman de France et Ambassadeur et Délégué permanent de l'union des Comores auprès de l'Unesco
- Karim Guellaty, juriste de formation, coauteur du "Droit musulman" dans la collection « Que sais-je ? » (Presses Universitaires de France – 2000) et d’un roman "Heureux comme Abdallah" aux Éditions Encre de nuit
- Mimouna Hadjam, responsable associative (Afrika) et militante féministe
- Hala Kodmani a été attachée de presse de Boutros Boutros-Ghali à l'Organisation internationale de la francophonie et collaboratrice du délégué de la Ligue arabe à Paris
- Stéphane Lacroix, chercheur et professeur à Sciences-Po et CERI, auteur du "Crépuscule des Saints, Histoire et politique du salafisme en Égypte, au CNRS éditions) et de "Les islamistes saoudiens, une insurrection manquée" aux éditions des Presses universitaires de France. Un mot aux histoires multiples
- Hugo Micheron, spécialistes de l'islamisme et du djihadisme à Sciences Po, enseignant chercheur à Sciences-Po et auteur de "La Colère et l'oubli, les démocraties face au djihadisme européen" (éditions Gallimard)
- Jean-Pierre Perrin, grand reporter qui a parcouru le monde islamique depuis le début des années 1980, pour Libération, contributeur pour Mediapart sur le djihadisme, essayiste auteur de "Le Jihad contre le rêve d'Alexandre" (Seuil, Prix Joseph Kessel en 2017) et romancier auteur de "Le Tournoi des ombres" (Rivages)
- Patrick Veil, politologue au CNRS, désigné par le président Chirac en 2004 pour faire partie de la commission chargée de se pencher sur la question des foulards afin d'éclairer le gouvernement et le Parlement
- Patrick Weil, politologue, directeur de recherche au CNRS