Suède, "OTAN"

La Suède, qui se targuait d’être un pays non-aligné depuis deux siècles, serait-elle devenue un pays normal ?

Entré il y a quinze jours, le jeudi 7 mars, dans l’OTAN, elle en est désormais le 32e membre.

Comment un pays pour qui le pacifisme a toujours été une vertu a-t-il en deux ans décidé de rejoindre l’alliance militaire occidentale, au risque de paraître provoquer la Russie de Poutine ?

Certes, une petite partie de l’électorat, les verts et une partie de la gauche, ont protesté contre cette entrée, au prétexte qu’elle n’avait pas vraiment été débattue par la société.

Il reste que, comme pour les pays Baltes, la guerre russe en Ukraine depuis 2014, et plus encore depuis 2022, est apparue comme une alerte suffisante pour augmenter considérablement le budget de la défense. Et que le gouvernement conservateur, soutenu par l’extrême-droite, a décidé de suspendre la quasi-totalité des financements publics des ONG œuvrant pour la paix.

Comment expliquer l’intégration de la Suède dans l’OTAN ?

Amélie Zima revient sur la position géographique stratégique de la Suède : « La Suède possède une île au milieu de la Baltique qu'on appelle Gotland, qui a été remilitarisée d'ailleurs. Et puis, avec l'entrée de la Suède et de la Finlande, ça fait un continuum avec la Norvège. Et l'OTAN se projette actuellement vers le Grand Nord, vers la mer de Norvège et la mer de Barents. C’est un lieu stratégique car il y a une vue directe sur la péninsule de Kola dans laquelle il y a la flotte de la marine russe qui est stationnée. Et un dernier point important aussi, c'est que ça sort les pays Baltes de leur isolement donc, en fait, ça donne un peu de profondeur stratégique à cette région ».

Barbara Kunz, évoque l’impact de l’annexion de la Crimée au sein du pays : « Je pense que jusqu'à l'annexion de la Crimée, la Suède faisait partie de ceux qui croyaient aux « time-out » stratégiques et qui ne voyaient pas forcément de menace russe. À l'époque, il y avait vraiment des analyses qui disaient que dans les dix ans à venir, il n'y aura pas de risque de sécurité dans l'environnement proche de la Suède. Mais donc en Suède, tout cela change en 2014 et avec l'annexion de la Crimée, on a décidé de réorienter toute planification sur la défense territoriale et de réinvestir dans les armées, de réintroduire le service militaire etc. ». Elle poursuit, concernant les répercussions de l’invasion russe en Ukraine de 2022 : « Le jour de l’invasion de l’Ukraine on a réalisé qu'être un partenaire proche de l'OTAN, finalement, ça ne sert à rien. En effet, il n'y a que les membres qui peuvent bénéficier de cet article 5 et donc le discours suédois ou officiel suédois, a mis en avant que l’adhésion à l’OTAN permettrait justement de préserver l'indépendance et la liberté de la Suède ».

Amélie Zima poursuit : « Alors, effectivement, la Suède est rentrée dans le programme du partenariat pour la paix en 1994. Ce n'était pas un programme qui était destiné uniquement à la Suède mais pour un ensemble de partenaires en Europe et en Asie centrale. Elle a renforcé très fortement cette coopération après l'annexion de la Crimée et le déclenchement de la guerre dans le Donbass. En 2016, on a des accords logistiques qui sont signés, par exemple, entre la Suède et l'OTAN. Et en fait ça n'a fait que s'intensifier. La Suède a commencé à rendre ses armées interopérables avec celles de l'OTAN, donc à respecter les normes militaires de l'OTAN, faire des exercices en commun, faire de l'échange d'informations. Donc en fait on a une armée qui était habituée à travailler avec l'OTAN. Ainsi, je pense que l’adhésion est une sorte de révolution copernicienne pour la Suède plutôt qu'une suite logique, mais c’est une révolution qui s'est opérée en peu de temps ».

Pour aller plus loin :

- Amélie Zima est l'autrice de L'OTAN (Éditions PUF-Que sais-je ?, 2023)