Mick Jagger : "On ne peut pas jouer dans le vie le type qui est sur scène !"

Mick Jagger ©Getty
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Les Rolling Stones n’avaient pas publié de chansons inédites depuis 18 ans et les voilà de retour avec un album, "Hackney Diamonds". Douze morceaux qui racontent l’éclectisme historique de leurs inspirations avec le blues comme fondation. Discussion avec Mick Jagger depuis London, en français svp.

Avec

Les Rolling Stones n'avait pas sorti de chanson depuis près de 20 ans. Ce nouvel album est par son existence un événement. Hackney diamonds réunit 12 chansons rock, blues, punk (!), une once de disco, et une pléiade d'artistes qu'on ne s'attendaient peut-être pas à croiser ici. Un album Stones n' co donc, avec Stevie Wonder, Elton John, le Beatle Paul Mc Cartney, et Lady Gaga.
Rebecca Manzoni s'entretient avec sir Mick Jagger depuis Londres, en français s'il vous plaît. Il y est question d'écriture, de musique et forcément de blues, de célébrité. Les Rolling Stones semblent plus fringants que jamais, et ça s'entend !

Rolling stone blues

L'histoire des Stones compte déjà plus d'un demi-siècle... Mick Jagger a fêté ses 80 ans en 2023, comment voit-il le jeune homme qu'il était à 20 ans ? "J'étais plein d'enthousiasme pour la musique, toute la musique", le rock, la country, le blues bien-sûr. Les chansons de Jerry Lee Lewis ou Chuck Berry lui ouvrent les portes du blues de Muddy Waters ou Bo Diddley. Mick a la chance de pouvoir voir tous ces artistes se produire en Angleterre, à la télévision ou sur scène. 60 ans plus tard, son album, pour reprendre son propre lapsus, leur album Hackney Diamonds se termine par un duo guitare voix Richards / Jagger.
Il s'agit du Rolling stone blues de Muddy Waters, le morceau qui donna son nom aux Rolling Stones. Un artiste et un titre qu'ils n'avaient pourtant jamais enregistré jusqu'à cette session. "C'est seulement Keith et moi, sans batterie ni rien, on a fait deux prises et voilà, c'est fait".

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Mick Jagger, la voix, le charisme

Malgré les années, la voix de Jagger est toujours aussi puissante sur cet opus. Les dernières prises vocales ont été enregistrées dans un coin des Bahamas, entre le chanteur et le producteur ; ils ont pris le temps de jouer avec la voix et de se frotter aux harmonies. Par exemple Don't get angry, 1er extrait de l'album empile les nappes sur la fin pour arriver à 9 ou 10 voix, beaucoup de morceaux ont été réalisés de cette manière. Chaque chanson aura sa voix, son style, "c'est un peu un jeu d'acteur oui".

Parlant voix puissante, Lady Gaga est présente sur le disque. Les enregistrements de voix ont été faits live, en face à face pour obtenir le duo le plus juste possible. "Sur ce morceau, elle montre qu'elle est une chanteuse puissante, je pense qu'elle n'a jamais fait de notes aussi hautes".
Autre invité, Paul Mac Cartney, et qui plus est pour un morceau punk, à 150bpm. Mick avait peur que Paul ne puisse envoyer ce rythme. Le producteur le convainc. "Ok, one two three four, PAW", et ça passe ! L'anecdote est confiée à voix basse à Rebecca Manzoni, on sent encore dans sa voix que Mick Jagger est épaté, et ravi de l'effet. Pour l'histoire, la guerre Beatles - Stones était parfaite pour la com' et les médias mais Lennon / McCartney avait déjà composé un titre pour les Stones avant qu'ils deviennent célèbre. Les deux n'en sont pas à leur première entrevue, ils avaient par ailleurs déjà chanté ensemble. Une opposition toute relative donc.

Le public me donne beaucoup d'énergie

Ça c'est côté studio, côté scène ? À 16 ans, Jagger fit un guest avec un groupe, il fut "très surpris de son effet sur le public, un peu choqué". Encore aujourd'hui "le public est très impressionné, mais pour moi, c'est très facile (...) le public me donne beaucoup d'énergie". Il faut dire que Mick a été à bonne école, il a observé et "étudié les grands chanteurs" comme James Brown, Chuck Berry. Il apprit beaucoup lors d'une tournée en Angleterre avec Little Richard, notamment comment chauffer une audience un peu molle : "Ils ont payé, ils veulent être heureux, s'amuser et Little Richard leur criait Levez-vous , levez-vous, et enlevait ses vêtements". Tout va bien pour les Rolling Stones, mais de temps en temps, il faut donner de l'énergie au public.

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Please allow me to introduce myself

Zoom sur Sympathy for the devil de 1968, l'une des nombreuses chansons où l'auteur incarne le diable. Rebecca Manzoni nous rappelle qu'il y évoque "des tragédies mondiales, rappelle que la civilisation occidentale s'est fondée sur des horreurs. Le diable ce n'est pas lui, c'est nous." Percussions, congas, quelques cris en écho, puis cette phrase... "Permettez-moi de me présenter, je suis un homme de goût et fortuné." Comment sont arrivés ces mots ? Pour Jagger "c'est une phrase normale dans le monde, un peu formel, un peu 18è", il l'écrit alors qu'il lit Baudelaire traduit français / anglais d'une page à l'autre, et Le Maître et Marguerite de Mikhaïl Bulgakoff. "C'est littéraire oui (...) mais il y aussi du langage des années 60". La littérature, notamment française, à la naissance de cette Sympathie pour le diable, why not, on aime l'idée. L'homme possède par ailleurs une propriété non loin des châteaux de la Loire. Comment être une Rolling Stone super star sur scène, et Michael Philip Jagger à la ville ? "Ce sont deux personnalités complètement différentes, on ne peut pas jouer dans le vie le type qui est sur scène, c'est ridicule !"

C'est la France
3 min

Témoignages

Entrer dans l’épopée des Rolling Stones, c'est comme entrer dans 60 ans d’histoire de l’Occident.
La discographie des Rolling Stones est une bande son collective autant qu’intime, peut-être plus qu’aucune autre. C’est la raison pour laquelle ce Totémic Hors-Série s'intitule  : “Les Stones et nous”.

Vous entendrez donc les témoignages et analyses de musiciennes et musiciens comme Catherine Ringer ou Louis Bertignac, de photographe, comme Jean-Baptiste Mondino, de journaliste, comme Francis Dordor et les témoignages d’auditrices et d’auditeurs, comme... vous.

Parce que pour ce thème “Les Stones et nous”, vous avez répondu à l’appel en laissant des messages sur le répondeur ou l’appli de France Inter. L’éminent critique du Times Will Hodgkinson qui a eu la chance d’écouter Hackney Diamonds l’a décrit comme « leur meilleur album depuis Some Girls en 1978. »

Jean-Baptiste Mondino, photographe

Le célèbre photographe Jean-Baptiste Mondino a travaillé sur les pochettes de disques de Björk, de Madonna ou encore du premier album solo de Keith Richards. Quand les Rolling Stones débarquent aux débuts des années 60, l’image devient un enjeu de plus en plus important dans le domaine de la musique. La pochette des Stones qui a le plus marqué Mondino, c'est la première, celle du premier album publié en 1964 : « Ils avaient quelque chose d'assez noir, sombre. Il n’y avait même pas le nom du groupe dessus, juste une photo au fond noir. Elle est crue par rapport aux pochettes de l’époque qui étaient beaucoup plus enjouées, mais ce n’était pas le genre des Stones. C’était fait pour les gens de ma génération, les journaux de l’époque titraient "Laisseriez-vous votre fille sortir avec un Rolling Stone ?", ce qui était une phrase assez excitante pour nous. Et puis sur la pochette, ils avaient les cheveux un peu longs et des têtes incroyables ». Cette pochette est signée, David Bailey, un photographe de mode : « Cette pochette, je l’ai scrutée dans ses moindres détails. Les Stones nous ont aussi introduits à la musique noire américaine, notamment au blues. L'album n'est d’ailleurs constitué que de reprises. Avant les Stones, on ne connaissait ni Muddy Waters, ni Slim Harpo. J’ai commencé à jouer de la guitare grâce à eux parce que leur musique était beaucoup plus accessible que les mélodies complexes des Beatles ».

Francis Dordor, journaliste musical pour Les Inrockuptibles

Dans un premier temps, les Stones se produisent sous le nom de Little Boy Blue and the Blue Boys, ce qui veut tout dire : "Ils ont revêtu le blues comme une soutane, ils adoptent totalement la philosophie, l'esprit et les codes du blues. À leurs débuts, il y a un côté très monacal, ils vont étudier dans leur petit appartement de Chelsea, à l'ouest de Londres, de manière très scolaire les disques de Muddy Waters, Jimmy Reed, et les apprendre de manière autodidacte. C'est aussi l'avantage de cette musique, c'est qu’elle ne sort pas du conservatoire. Elle n'a rien d’académique et elle permet à des individus de raconter leur vie, et de là en découle plein de choses, la manière de se vêtir, la manière d'aborder la vie, de se coiffer ou pas, et tout ce qui s'ensuit. Ils ont intégré toute cette psychologie du blues qui est une musique de la marge, une musique de bandits dandys. Là-dessus, va s'ajouter tout l'aspect hyper sexué des Stones. On ne peut pas parler des Stones sans parler de leur approche du sexe. Et ça aussi, c'est quelque chose qui, dans l’Angleterre puritaine des années 60 va exploser ce qu'on appelle le plafond de verre ».

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Catherine Ringer, chanteuse et musicienne

Catherine Ringer a découvert les Rolling Stones chez son cousin qui avait cinq ans de plus qu’elle. Catherine lui demande alors de lui prêter un disque qu’elle aimait beaucoup, Beggars Banquet : « C'était un moment où je passais de petite fille à adolescente disons, et cette musique me transportait même. C'était le vrai truc. C'était quelque chose qui me sortait de la routine, je ne comprenais pas les paroles, mais je me souviens que ça me donnait une espèce de joie intérieure. Puis quand je suis parti assez tôt de chez mes parents, j’ai écouté tous les albums, ceux avec Brian Jones où il y a des instruments à vent, des chansons influencées par la musique médiévale que j’aimais beaucoup. En 1977, j’ai aussi beaucoup aimé leur période disco avec « Miss You ». Et puis il y a la voix de Mick Jagger qui n’est pas toujours belle, un peu râpeuse. Il a besoin d'exprimer de l’agressivité et de la ressentir. Sur leur album Tattoo You, il y a une chanson, « Heaven » où Jagger chante en voix de tête et ça m’a beaucoup influencé. Les Stones ont été une basse d’influence commune pour moi et Fred Chichin ».

Louis Bertignac, chanteur, guitariste

Le co-fondateur du groupe Téléphone est un fan des Stones de la première heure : « Je préfère les Stones à Mozart, il y avait un côté brut qui était enregistré en studio, sans beaucoup de fioritures, et en même temps une qualité sonore extraordinaire. Je n’avais jamais entendu ça. J'adorais les Beatles, mais je n’avais jamais eu cette sensation d'être dans le studio avec eux quand j'écoutais le disque ». Louis Bertignac a même postulé pour le poste de guitare chez les Rolling Stones : « Quand Mick Taylor s'est barré, le groupe avait annoncé qu'ils cherchaient un guitariste. Un copain m'a prévenu qu’ils étaient au Plaza Athénée à Paris. J’ai pris ma mobylette et j’ai attendu deux heures devant l’hôtel, mais personne. J’ai laissé un mot à la réception pour Mick Jagger, le réceptionniste était très surpris. Mais je n’ai jamais eu de nouvelles ».

Sophie Fontanel, romancière

Sophie Fontanel trouve que les Stones lui ressemblent quelque part : « Dans les années 70, ils sont très androgynes. Mick Jagger a une tête de fille. Sa coupe de cheveux me fait complétement rêver, et je voulais lui ressembler. La beauté de Mick Jagger, elle est unique au monde. Cette bouche, ce regard, cette manière de s'approcher de la caméra comme en voulant l'embrasser. C’est une provocation, voilà. Keith Richards n'est pas vraiment beau, mais il est ravageur. Il montre que par l'allure, l'attitude, le style, on peut améliorer son apparence ».

Un documentaire en marge du nouvel album :

Autre actualité, un nouveau documentaire sur les Stones devrait bientôt sortir. Le film reviendra sur la genèse de Hackney Diamonds où les fans découvriront le groupe dans l’intimité du studio.

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►  France Inter est partenaire de "Hackney Diamonds", le nouvel album des Rolling Stones.

Programmation musicale

THE ROLLING STONES :

  • Rolling Stone Blues - extrait de l’album "Hackney diamonds", 2023
  • Angry - extrait de l’album "Hackney diamonds", 2023
  • Whole Wild World - extrait de l’album "Hackney diamonds", 2023
  • Bite my head off - extrait de l’album "Hackney diamonds", 2023
  • Sympathy for the devil - extrait de l’album "Beggars Banquet",1968
  • Get off of my cloud - extrait de l'album "December's Children (And Everybody's)", 1965
  • Little Red Rooster - (Original Single Mono Version), 1961
  • (I Can't Get No) Satisfaction - extrait de l'album "Out of Our Heads", 1965
  • Paint it Black - extrait de l’album "Aftermath", 1966
  • Miss you - extrait de l'album "Some Girls", 1978
  • You Can’t Always get what you want - extrait de l’album "Let It Bleed", 1969
  • Gimme Shelter - extrait de l'album "Let it Bleed", 1969
  • Jumpin' Jack Flash - (Original Single Mono Version), 1968
  • Street Fighting men - extrait de l’album "Beggars Banquet", 1968
  • Rock off - extrait de l’album "Exile on main street", 1972
  • When the whip comes down - extrait de l’album "Some girls", 1978
  • Let's spend the night together - (Original Single Mono Version), 1967
  • Under my thumb - repris par le duo par Catherine Ringer & Philippe Katerine (Taratata, juillet 2007) - extrait de l'album "Aftermath", 1966

Bibliographie

  • La Villa - The Rolling Stones 1971, photographies de Dominique Tarlé, Galerie de l'Instant, 2023.
  • Some boys, écrit par Louis Bousquet, Editions Bouquins, octobre 2023.
  • Rocks off - L'histoire des Rolling Stones en 50 titres, écrit par Bill Janovitz, Editions Rivage Rouge.
  • Rolling Stones - La Totale - Les 365 chansons expliquées par Philippe Margotin et Jean-Michel Guesdon, Editions Epa.
  • Les Rolling Stones dans l'imaginaire social, sous la direction de François-Emmanuel Boucher, Sylvain David et Maxime Prévost, Editions Hermann.

Actualités des invités

  • Disquaires, une histoire, la passion du vinyle de Francis Dordor, GM Editions, 2021.
  • Louis Bertignac en concert à la salle Pleyel le 13 janvier 2024 et en tournée.
  • Jolie petite histoire , par Louis Bertignac, Editions du Cherche Midi, 2022
  • Catherine Ringer lit les textes de la poétesse Alice Mendelson, dans le cadre d’un spectacle intitulé : “l’Erotisme de vivre”. Le 8 Novembre elle sera au théâtre des Cordeliers à Annonay.
  • Admirable de Sophie Fontanel, qui vient de paraître chez Seghers.

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