Traduire le jazz en langue des signes ? Une première à Jazz sous les Pommiers

Les concerts "chansigné", ces concerts traduits en direct en langue des signes pour le public, ont le vent en poupe. De plus en plus de festivals s'y mettent, pour rendre la musique accessible aux personnes malentendantes. Exemple à Jazz sous les Pommiers. Le festival s'est achevé ce week-end et pour la première fois, un concert chansigné y a été donné, par la chanteuse Marion Rampal, qui a notamment présenté son dernier album, Oizel. Et traduire du jazz en langue des signes n'a pas été une mince affaire.

"Comment retranscrire certains mots en langue des signes ?"

Sur scène, elle doit saisir toutes les subtilités du texte, mais aussi de la musique, à laquelle elle n'est pas habituée. Aurélie Nahon est chansigneuse et a cofondé en 2019 le collectif Dix doigts en cavale : "C'est une première pour nous. Nous n'avions jamais fait de jazz auparavant, donc nous sommes ravis de cette belle découverte." Plus coutumière de la pop - elle a récemment chansigné pour Soprano et Matt Pokora - elle s'est adaptée au répertoire de Marion Rampal : "Parfois, cela peut être assez abstrait. Il peut y avoir des textes dans lesquels elle invente des mots, donc comment retranscrit-on ces mots en langue des signes ? C'est aussi un univers particulier, un peu féérique, qu'il faut réussir à transmettre."

Un concert qu'elles ont encore plus préparé que d'habitude, avec sa collègue Perrine Diot. 200 à 300 heures de travail, avec la traduction et l'apprentissage de toutes les paroles chansignées par cœur. Marion Rampal, chanteuse de jazz, doit aussi se mettre au diapason : "La présence d'Aurélie et de Perrine nous oblige. Il faut produire quelque chose d'assez lisible. Par exemple, aujourd'hui, je ne peux pas improviser des paroles parce que pour elles, ça serait difficile de traduire directement ce que j'improvise poétiquement."

"La musique, poursuit Marion Rampal, est un geste spontané, dans l'immédiateté. Nous descendons une rivière et ne pouvons pas aller à contre-courant. Avec le chansigne, cela requiert encore plus de concentration et d'écoute." Et puis dans le jazz, "les ancrages rythmiques sont différents que dans d'autres chansons. Il y a des structures oui, mais il arrive que ces structures soient plus souples. Parfois, aussi, il y a moins de textes que dans un rap par exemple". Sans compter les solos des instrumentistes. Comment chansigner les sons ? Aurélie Nahon n'a pas de formation musicale, mais ses bras recréent les ondulations d'une clarinette, et ses doigts pianotent dans les airs.

"Les concerts chansignés se démocratisent de plus en plus"

Les concerts chansignés, remarquent les artistes, ont de plus en plus la cote. "Le festival de Jazz sous les Pommiers s'est interrogé sur l'accessibilité de certains publics. Ce sont toujours des initiatives qui me touchent beaucoup et qui m'intéressent", confie Marion Rampal. "Nous avons démarré, nous étions trois. Maintenant, nous sommes quinze au sein de notre collectif", raconte Aurélie Nahon. "Nous intervenons dans une bonne quinzaine de festivals, cela se démocratise de plus en plus. Les festivals sont de plus en plus sensibilisés au fait de rendre accessible leur événement à ce public-là, qui a été mis de côté depuis un moment. C'est chouette, en espérant que ça continue comme ça."

À la fin du concert, le public et les - rares - spectateurs malentendants semblent conquis. Marion Rampal aimerait continuer à promouvoir son projet musical sur les deux prochaines saisons avec, elle l'espère, d'autres concerts chansignés.