La lumière bleue, voleuse de nos nuits

La lueur bleue de nos écrans ©Getty - Nico De Pasquale Photography
La lueur bleue de nos écrans ©Getty - Nico De Pasquale Photography
La lueur bleue de nos écrans ©Getty - Nico De Pasquale Photography
Publicité

Nous sommes devenus hyper connectés, les yeux rivés sur nos écrans et avec eux, la lumière bleue ne s’éteint jamais, nous rendant constamment éveillés, hagards, hébétés et irrémédiablement attirés par leur lumière.

Avec

Avec Bruno Patino, président d’Arte et auteur de Submersion publié chez Grasset. Il y pointe du doigt notre morbide addiction aux écrans, aux réseaux sociaux, et la manière dont Internet a bouleversé nos vies et nos manières de consommer.

Une exposition à la lumière bleue qui n’est pas sans conséquences

Chacun d'entre nous nous touche en moyenne 600 fois par jour son smartphone. Mails, SMS, appels, mais surtout applications et notifications et nos yeux sont bombardés de lumière bleue à longueur de journée et de nuit.

Publicité

Il y a la bonne et la mauvaise lumière bleue. La bonne, c'est celle qui est naturelle. Le soleil étant notre principale source naturelle de lumière bleue. Cette lumière bleue est importante pour maintenir nos cycles naturels de sommeil et d'éveil. Elle nous aide aussi à être de bonne humeur, à entretenir notre mémoire et nos fonctions cognitives.

La mauvaise lumière bleue, c’est celle, artificielle, de nos écrans. Et il y en a de plus en plus dans nos vies. En 2020, les Français possédaient en moyenne plus de six écrans par foyer. Ces dix dernières années, les ventes d'équipements numériques ont explosé. On a toujours plus de smartphones, d'ordinateurs fixes ou portables, de tablettes. Cette exposition à haute dose n'est pas sans conséquences à long terme, car la lumière bleue est nocive pour la rétine.

À court terme, elle provoque une fatigue visuelle chronique et à moyen terme, la perturbation de l'humeur et du sommeil. Nous sommes tous des victimes potentielles puisque 60 % des gens passent plus de six heures par jour devant un écran. Au passage, ces lumières bleues de nos écrans ont généré un véritable business.

L'invité de 8h20 : le grand entretien
24 min

L’addiction aux écrans, un paradoxe

Nous recevons plus de cent notifications par jour sur nos écrans, dans cette émission Matthieu Noel évoque le fait que l’utilisateur a pourtant le libre-arbitre d’activer ou non ses notifications et évoque le phénomène du FOMO, pour "Fear of Missing Out", la peur de rater quelque chose, qui nous scotche continuellement à nos écrans. Pour Bruno Patino, il y a un paradoxe : « Un outil qui devait être une source de richesse et de liberté, nous fatigue de manière décisionnelle, informationnelle et rétinienne. C'est paradoxal de se sentir envahi par quelque chose qui devait nous donner accès à tout ».

Une période de transition ?

Et si nous n’étions pas en pleine période de transition face au récent problème de la lumière bleue ? Dans son livre Submersion, Bruno Patino livre un véritable plaidoyer pour dire que la solution ne sera pas que technique, mais plus globale : « Ce n’est pas que le fait de désactiver ses notifications ou de mettre son portable sur le mode avion. Il y a aussi une transition en tant qu’individu et au sein de notre société. Après l’invention de l’imprimerie par exemple, il a fallu 50 voire 60 ans de transition pour que débute la réforme ». Il y a six ans, Bruno Patino publiait La civilisation du poisson rouge qui traitait de la dépendance au téléphone portable, à une période où personne n’en parlait : « Quelques années plus tard, les fabricants ont commencé à produire des portables qui vous donnent le temps de connexion, et je pense que petit à petit, on va voir arriver sur nos portables des modalités pour baisser l’intensité lumineuse de nos écrans ».

Nous avons perdu la nuit

Nous touchons notre téléphone mobile entre 600 à 700 fois par jour, cet objet a pris le contrôle de nos nuits sacrées : « La nuit, on va sur son portable, on va regarder ou écouter quelque chose, et puis finalement, on est absorbés par toute cette disponibilité. Il y a une forme d’errance nocturne et d’une certaine manière, qui nous plonge dans une insatisfaction permanente ».

Les 80'' de Nicolas Demorand
1 min

Des modèles économiques créés pour nous rendre accro

Pour Bruno Patino, il n'y a pas de déterminisme technologique : « Ce n'est pas la technologie qui produit cette dépendance, c'est notre rapport à certaines propositions qui nous sont faites par la technologie, ce qui est différent. Les modèles économiques des plateformes qui visent à attirer notre attention le plus longtemps possible sont là pour vendre de la publicité ou de l'abonnement, c’est leur métier. On ne saurait leur en vouloir d'essayer de capter notre attention 24 h sur 24 et quel que soit l'endroit où on est, puisqu'on est connecté de façon permanente. En fait, elles créent des mécanismes de récompenses aléatoires, de complétude qui nous scotchent aux écrans ».

Pour Bruno Patino, on peut mettre des freins à cette addiction aux écrans, encore faut-il en avoir conscience et le vouloir : « Malgré tout, quand bien même on le veut, on sent qu'il y a quelque chose en nous qui doit se produire. Ce n’est pas seulement une maîtrise de la technologie, c'est surtout une maîtrise de la disponibilité absolue de tout, en tout lieu, à tout moment ».

Le choix de la passivité totale

Dans cette émission, Bruno Patino parle d’un effet marquant de cette dépendance où beaucoup d’entre nous trouvent qu’il y a moins de choix sur Netflix ou Spotify qu’auparavant : « C’est le paradoxe du choix. En réalité, il y a de plus en plus de choix sauf que plus on vous propose des options, moins vous avez l'impression qu'il y a de choix. À un moment donné, la passivité fait le choix à votre place et vous amène sur un rail de vidéos courtes comme sur TikTok pour les réseaux sociaux ou Tinder pour les applications de rencontres, et vous passez alors à une passivité totale. Si on laisse les algorithmes choisir à notre place, en nous facilitant faussement la tâche, c'est dangereux, car cela va à l’encontre de notre propre liberté et petit à petit, on va vers une "tinderisation" de la culture ».

Pour en savoir plus, écoutez l'émission...

40 min

Programmation musicale

  • Bruce Springsteen

    57 Channels (and nothin' On)

    Album Human touch (1992)

    Label COLUMBIA

  • ROSALIA

    Tuya

    Album Tuya (2023)

    Label COLUMBIA

  • ORELSAN & THE NEPTUNES

    Dernier verre

    Album Civilisation édition ultime (2022)

L'équipe

pixel